► Le Livre
Le 6 mars 1980, l’Académie française accueillit en son sein Marguerite Yourcenar. Ce fut un événement, comme l’atteste la présence de l’épouse de Valery Giscard d’Estaing dont même le fils aurait pu venir s’il n’avait eu un tournoi de polo. On se précipita. On se bouscula au premier rang. Certains se provoquèrent en duel. D’autres rapportèrent des macarons.
C’est que, pendant plus de trois siècles, l’Institut créé par Richelieu n’avait admis aucune femme. Ce n’était pas mauvaise volonté ou bas conservatisme de la part des immortels. C’est juste qu’ils n’y avaient jamais songé. Comment donc aurait-on pu avoir la volonté de changer la donne alors qu’elle n’avait jamais changé ? On avait eu la magnanimité d’ajouter des noms féminins dans le dictionnaire, c’était déjà bien assez.
Et puis les académiciens avaient mieux à faire. Ils avaient à inventer le français et, du même coup, la France.
Pendant 345 années, divers motifs politiques, moraux, religieux et sociétaux ont été invoqués pour interdire l’accès des femmes à l’Académie ! Sous l’Ancien régime, les femmes ne peuvent entrer dans des assemblées élues que si le règlement l’y autorise.
“Les femmes ne sont pas éligibles, puisqu’on est citoyen français que lorsqu’on a satisfait à la conscription.” (Duc d’Aumale, 1899)
En 1980, Marguerite Yourcenar fut la première femme à intégrer l’Académie française.
► L’Auteur
François Bégaudeau écrit des livres depuis quinze ans, la plupart publiés aux Editions Verticales. Il est également l’auteur de pièces de théâtre, de scénarios de BD, de scénarios de cinéma. Parallèlement, il poursuit son activité de critique littéraire et de cinéma pour le magazine Transfuge, et de chroniqueur dans les pages sport du Monde.
■ Pratique
L’Ancien régime, dans la collection Incipit aux éditions Prisma, 112 pages. 12 €.