“C’est le surnom qu’on me donne, en écho à ma nièce Arielle”. Tonton
Poil, c’est Lucas Jacquet. Barbe abondante et cheveux folâtres,
l’homme ne manque pas d’humour : “j’ai l’apparence d’un ours”.
Il fait partie de la génération Y : “on a grandi avec l’informatique
et avec internet”. Et il a lancé son blog, “un endroit où poster des
textes”. L’homme est humble : “je ne suis pas écrivain ni poète, ni
même blogueur. J’aime seulement écrire et raconter des histoires”. Le
jeune homme ne raconte pas sa vie. Il écrit bien, sur des sujets
divers avec un thème récurrent qui tourne autour du fantastique et de
la magie. Chaque billet est un univers.
Philosophe ? “Je projette une partie de ma vision du monde”. Il lit
beaucoup : “peu de philo”, même s’il a lu Platon, Descartes et “Ainsi
parlait Zarathoustra”. Tolkien bien entendu : “sa vision du monde est
catholique mais pas en noir et blanc. Il existe des nuances”.
L’homme sait observer les travers de ses congénères “pas
fondamentalement mauvais. Même les pires ne l’étaient pas au départ.
La cruauté a des explications, pas des excuses”.
La religion ? “Je ne suis pas religieux mais les questions soulevées
m’intéressent. La religion est source d’imaginaire”.
Lucas Jacquet arpente beaucoup Alençon, qui l’a vu naître. Et il a
publié un billet (“De vert et d’eau”) sur la place de l’eau dans la
ville. Pas celle qui tombe parfois du ciel mais celle qui irrigue la
cité, comme un vaisseau : “les bords de Sarthe sont splendides et une
balade en canoë change le point de vue sur la ville”. Il aime
notamment la rivière du côté du Stadium, près du Pont-neuf, avec cet
immeuble aux pieds dans l’eau. Il apprécie encore la lumière rasante
sur les lavoirs et son reflet aquatique.
En cette année 2015, les projecteurs médiatiques sont braqués sur la
dentelle, sainte Thérèse et ses parents canonisés… Lucas Jacquet y
voit “tout un foin”. Le tourisme religieux est “logique” mais “il y a
autre chose” et notamment le patrimoine architectural du centre-ville
“dont on ne parle pas assez”. Le jeune homme marcheur sait lever les
yeux et percevoir, à quatre mètres du sol, une statue de la Vierge
quasi sertie dans un mur biséculaire.
Un de ses derniers billets traite du monument aux Morts de la place
De Gaulle. Beaucoup voient un rond-point en forme de roulette russe
pour les automobilistes, les piétons et surtout les cyclistes. Mais
qui voit le glaive planté dans le sol et cette statue qui le
couronne ? “On parle peu de la signification de ce monument”.
Et la basilique ? “Ce n’est pas seulement un lieu de culte”. Lucas
Jacquet y décèle plein de détails, notamment des gargouilles. Et il
aimerait arpenter l’intérieur de la maison d’Ozé.
L’endroit d’Alençon qu’il préfère ? “Le Parc des Promenades et le
cimetière Notre-Dame où l’on croise des tombes récentes et anciennes,
et parfois kitsch. Toute l’histoire de la ville est là”.
Ce qu’il apprécie moins, c’est l’agonie des “Sept colonnes” et les
rues pavées du centre-ville bariolées de bitume ou de béton : “c’est
un peu glauque”.
Alençon ? “Il est possible d’en faire une belle ville. Il faut du
courage politique, et que les élus s’intéressent davantage au bien-
vivre ici qu’à leur réélection”.
Retournons sur son blog : “Si Alençon peut encore être un endroit où
il fait bon vivre, il faudrait cependant ne pas trop rêvasser.
Alençon a perdu ses jeunes. Elle a perdu un semblant d’attrait pour
ces derniers. Ils ne veulent presque jamais faire leur vie ici.
Qu’arrivera-t-il quand les autres auront passé de vie à trépas ? Que
restera-t-il ?”.
JMF
Blog : lessongesdetontonpoil. blogspot. fr
L’avenir d’Alençon
“Bien qu’aimant profondément Alençon, je n’oublie pas combien elle a
pu être délaissée au profit de quelques ego carriéristes… Ou
simplement délaissée comme on délaisse un vieux jouet qui n’apporte
finalement plus satisfaction avant d’être enfoui dans le carton de
l’indifférence.
Je me suis toujours beaucoup plu à Alençon. Mais au fil des années,
j’ai vu tous mes amis, tous mes cousins, toutes mes cousines…. des
familles entières même, quitter Alençon. Parce que cette ville ne
propose pas (ou si peu) d’avenir pour ceux qu’on appelle “jeunes”.
Et c’est parce que j’aime cette petite ville, à taille humaine, que
je suis inquiet pour son avenir. Que je crains chaque jour davantage
pour son avenir”.
Le poids du glaive
“Ce monument aux morts […] aurait dû maudire la guerre, rendre un
hommage funèbre à la tragédie humaine qu’elle représente pour chaque
peuple qui y est confronté. Ç’aurait été plus… humain […]
Le patriotisme, le nationalisme, deviennent très vite des poisons
pour l’esprit. Il me paraît tout à fait bon d’aimer son pays… Tant
qu’on n’en vient pas à s’aveugler sur ses torts, défauts et sur le
sang que nous avons sur les mains.
La France et l’Allemagne sont en paix l’une avec l’autre depuis plus
de 70 ans maintenant, et, avec elles, toute l’Europe de l’Ouest.
Avons-nous vraiment besoin d’un tel monument à la gloire de la
victoire guerrière et de la défense de la Patrie ? Un glaive peut-il
symboliser la paix et l’hommage aux victimes de l’Histoire ?”.
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Alençon entre rêve et réalité
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