Qui était Mouloud Feraoun ?
Samuel Churin : « Un Kabyle né en 1913 qui a grandi en Kabylie. Il a été repéré par les Français car il faisait partie des 5 % de la population algérienne alphabétisée à cette époque. Il a obtenu son bac avec la mention Très Bien mais il a été refusé à la fac. Il s’est alors présenté au concours d’instituteur et a exercé la profession pour le compte de L’Éducation Nationale Française. Son premier roman, Le fils du pauvre, a été un best-seller et l’est encore en Algérie. C’est le « La Fontaine » des élèves d’Algérie qui apprennent à lire avec Feraoun ! Près de chez moi à Paris, il y a des bistrots tenus par des Kabyles. Quand je leur demande s’ils connaissent Feraoun, ils me répondent aussitôt : « Mais oui ! Fouroulou ! » C’est le nom du personnage central du Fils du pauvre. Alors qu’en France, Feraoun est moins connu. Il avait énormément d’amis français : Camus, de Roblès, Germain Tillion. Il a été assassiné par l’OAS le 15 mars 1962, trois jours avant les accords d’Evian, lors d’une inspection d’un centre social à Alger, en même temps que deux autres Algériens et trois Français. »
Que dit « Le Contraire de l’Amour » de la Compagnie « Passeurs de Mémoires » ?
« C’est une adaptation de Journal de Feraoun dans lequel il décrit la guerre d’Algérie entre 1955 et 1962. Avec neutralité. Il est furieux contre les horreurs de la guerre quelles qu’elles soient, d’où qu’elles viennent et par qui elles soient commises. Il dresse un bilan lucide de la colonisation. Il dit non à cette société à deux vitesses avec d’un côté des gens alphabétisés, de l’autre les analphabètes, d’un côté ceux qui ont le droit de vote et de l’autre ceux qui n’y ont pas le droit. Lui cherche aussi son étiquette et écrit : « Qu’on me dise ce que je suis ? » Il n’est pas reconnu par les Français parce qu’il veut que tout le monde ait les mêmes droits. Il dit que dès 1958, les Algériens savent qu’ils ont gagné cette guerre et qu’il a peur que les fellagas l’arrêtent alors qu’il est pleinement avec les siens. Son journal, qu’il cachait à l’école dans des cahiers d’écoliers, a été édité après sa mort. Il a été rapidement épuisé puis réédité en 2011 après le succès de la pièce à Avignon ».
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Elle date du 16 mars 2011 et n’a jamais cessé de tourner ?
« Oui, elle a été créée dans la foulée de Folies Coloniales de la même Compagnie Passeurs de Mémoires qui, elles, avaient vu le jour en 2008-2009 en réplique au discours de Sarkozy sur « les aspects positifs de la colonisation ». On a joué Le Contraire de l’Amour à Avignon en juillet 2011 et très vite, les représentations ont été blindées. On a eu de belles critiques de la presse (« Le plus beau spectacle du in et du off » selon Le Masque et la Plume, etc.) et on a enchaîné avec le théâtre de l’Odéon à Paris. On a aussi fait trois grandes tournées en Algérie dont une dans le cadre du festival international d’Alger et une pour l’Institut Français. C’est un monologue d’1 h 20 et je suis accompagné sur scène, par Marc Lauras, au violoncelle. On sera à 111 représentations à la fin du mois de mars 2017 ! »
Le thème est très actuel ?
« Oui. Il y a d’abord la façon dont un homme libre regarde la Grande Histoire et puis ce toujours même processus de la colonisation avec deux peuples qui cohabitent à deux vitesses. »
La Guerre d’Algérie : un sujet sensible ?
« Tant qu’on n’aura pas compris qu’on est aussi des enfants de la colonisation on n’avancera pas. C’est comme chez le psy chez qui vous venez travailler un secret de famille. Combien d’années faudra-t-il pour que nous puissions évoquer toutes ces guerres perdues : l’Indochine, l’Algérie ? Il n’est ni question de repentance ni de négation mais discutons-en tout simplement. C’est d’ailleurs ce qui se passe souvent après le spectacle et les soirées sont très apaisées ».
« Le Contraire de l’Amour » par la Compagnie Passeurs de Mémoire, jeudi 16 mars à 20 h 30 au théâtre d’Alençon. Entrée : 10 € (billetterie sur place). Mise en scène : Dominique Lurcel. Jeu : Samuel Churin. Violoncelle : Marc Lauras.
Qui est Samuel Churin ?
Il est né à Alençon en 1965. Il a fréquenté l’école primaire de Damigny, le collège Balzac et le lycée Alain où il a décroché un Bac C (maths-physique) en 1983. Il a poursuivi des études d’informatique à Paris avant de travailler dans ce domaine à Lisieux où il a été repéré par le directeur du théâtre dramatique de Caen lors d’une représentation de théâtre amateur à Lisieux en 1991.
Depuis, il enchaîne les rôles au théâtre et au cinéma. Il joue notamment dans « Raid Dingue » à l’affiche en ce moment et aura un rôle dans « Normandie Nue » de Philippe Le Guay en tournage au printemps au Mêle-sur-Sarthe. Samuel est le frère aîné de Luc et Arnaud, également comédiens.