S’il revenait voir Ecouves, Georges Lacombe aurait du mal à reconnaître « sa » forêt.
Bien entendu, les rochers (du Vignage et du Roc d’amour) sont toujours au même endroit et avec la même forme, la Briante et le ruisseau de Pierre glissante serpentent dans le même lit, les routes (parfois aujourd’hui bitumées) et les collines n’ont pas bougé d’un iota, l’Ermitage (sa maison) est toujours debout. Mais la végétation a bien changé. Seuls quelques gros chênes d’aujourd’hui avaient cent ans de moins.
Car Ecouves n’est vraiment gérée que depuis un siècle et demi. Depuis cette époque où la forêt était une ruine. Et il faut des décennies pour transformer un bois landeux en forêt digne de ce nom. Ce qu’elle est aujourd’hui.
L’eau et la forêt
Cette forêt pauvrement peuplée, Lacombe l’a connue durant près de vingt ans, de 1897, année où il acquiert « l’Ermitage », à juin 1916, quand il meurt en son domicile.
Toute sa vie, l’eau va inspirer ce peintre (qui fut également sculpteur sur bois). D’abord celle de la mer à Camaret. Puis celle de la Briante, qui descend doucement d’Ecouves pour aller rejoindre Alençon, baignant les abords de l’Ermitage.
Après Paul Gauguin, Paul Sérusier et les nabis, l’artiste a rencontré le luministe Théo Van Rysselberghe, qui lui fait découvrir la peinture néo-impressionniste. Lacombe peint alors des paysages d’Ecouves selon la technique « divisionniste » dite « pointilliste ».
Au total, il aurait peint une petite quarantaine d’œuvres évoquant Ecouves (surtout l’automne), qu’il n’aurait vraiment découverte que vers 1903-1904. Une forêt qui a globalement peu inspiré les peintres.
Liberté et fidélité
« Divisionniste et coloriste, il traite la forêt d’Ecouves avec une liberté le rapprochant du fauvisme puis, délaissant les couleurs arbitraires et le pointillisme, il adopte une facture très souple en restant toujours fidèle aux paysages alençonnais qu’il restitue avec exactitude », écrit Aude Pessey-Lux *.
Les paysages ont mué, la propriété a changé de mains, mais la figure de Georges Lacombe plane toujours dans cette vallée forestière de la Briante dominée par des collines en forme de sentinelles. L’esprit et la culture ont longtemps animé l’Ermitage, qu’ont fréquenté Paul Sérusier, Paul-Elie Ranson, Maurice Denis, Georges Ancey (qui achètera « les Noyers » à Vingt-Hanaps), Maurice Vaucaire (qui séjournait à « la Dormie » à Valframbert), etc.
Tout un espace dont le contemplatif Georges Lacombe fut le confident, le chantre, le complice.
JMF
* Catalogue de l’exposition Georges Lacombe au Musée d’Alençon, 1992.
