
Le gérant de trois sociétés, demeurant à Val-de-Reuil, a détourné l’argent de ses entreprises pour rembourser des dettes de jeu. (©Illustration Pixabay)
Des flux financiers anormaux ayant été constatés chez trois sociétés de travaux publics de Léry (Eure), la cellule Tacfin a alerté le parquet en décembre 2017. Et l’enquête, diligentée dans la foulée, a permis d’établir que le gérant de ces sociétés, Taner S., 39 ans, demeurant à Val-de-Reuil, avait une fâcheuse tendance à confondre leurs comptes avec les siens. De nombreux détournements ont été relevés à son encontre entre mars 2015 et juillet 2018, la liste étant longue comme un jour sans pain ou plutôt, en ce qui le concerne, sans casino.
Au total, le préjudice dépasse les deux millions d’euros. Tout d’abord, près de 90 salariés ne sont toujours pas déclarés à l’URSSAF, ce qui représente une évasion sociale et fiscale d’un million d’euros. Ensuite, 408 000 euros émanant des sociétés ont été versés sur les comptes du gérant, 30 000 euros débités par carte bancaire et 382 000 euros retirés en espèces.
Enfin, 460 000 euros ont été envoyés en Turquie. En garde à vue, le gérant a expliqué : « Ces pratiques de non déclaration des salariés sont courantes en Turquie. »
Prêteurs sur gages
Jugé au tribunal d’Evreux, Taner S., costume impeccable et chaussures bleues rutilantes, n’a pas cherché à contester les faits. Reste que son français hésitant ne lui a pas permis d’entrer dans les détails.
Alors le président a résumé son cheminement :
Grand joueur de casino, il a perdu énormément d’argent à Deauville, Forges-les Eaux et Dieppe. Il a donc emprunté à des prêteurs sur gages et a détourné une partie de l’argent des sociétés pour les rembourser.
« Je ne joue pas depuis trois mois et, aujourd’hui, je vis grâce aux allocations familiales » a révélé, de son côté, l’intéressé. Cette situation n’a, bien évidemment, guère ému le parquet.
Ainsi, selon la procureure adjointe :
Cette fraude, qui est une concurrence déloyale envers les autres entreprises, prive les salariés d’une protection sociale. Le prévenu, qui a agi en connaissance de cause, a érigé l’évasion fiscale comme un système. Il a, en outre, donné des chèques à des proches pour acquérir des véhicules afin de se faire rembourser et d’assouvir sa passion du jeu.
Trois ans de prison dont 18 mois avec sursis (mise à l’épreuve de trois ans), une obligation de résider en France, 500 000 euros d’amende, la publication du jugement sur un site dédié et la confiscation des comptes étant requis (le prévenu n’a jamais été condamné), la défense a pris le relais.
« L’URSSAF n’a pas de visage »
« Il n’affirme pas que c’est normal mais il dit les choses avec une certaine gêne. De plus, il n’a pas eu l’impression de léser quelqu’un car l’URSSAF, qui n’a pas de visage, ne se lève pas à 5 heures du matin pour aller travailler », a notamment plaidé Me Akman avant d’ajouter :
Dans certain pays, les règles comptables ne sont pas les mêmes et, pour lui, les entreprises étaient les fruits de son travail. Enfin, il y a l’addiction au jeu. 1 500 euros par jour ne lui suffisaient pas ce qui l’a conduit à emprunter à des prêteurs sur gages qui ne rigolent pas ! Sa garde à vue a été un soulagement car il voulait en terminer.
Taner S. a été condamné à trois ans de prison avec sursis (mise à l’épreuve de deux ans), à 250 000 euros d’amende et à une interdiction de gestion de 15 ans. La décision sera publiée pendant deux ans sur le site du ministère du Travail et les scellés sont confisqués.