Il vient d’avoir 18 ans, mais prend déjà son rôle de citoyen à bras-le-corps.
Corentin Rémond, en terminale littéraire au lycée Alain d’Alençon, n’est pas comme « la plupart des lycéens qui manifestent parfois pour sécher des cours ». Lui, fait partie de « la minorité réellement engagée » dans la lutte contre la loi Travail. « Celle en qui il faut croire et qu’il faut mettre en avant ».
Tours de salles pour mobiliser
Après avoir vu dans les médias la première mobilisation contre la loi El Khomri, le 9 mars dernier, Corentin a « pris conscience qu’il fallait se bouger » pour « combattre une loi dangereuse pour notre avenir ».
Dans son établissement scolaire, il a commencé à évoquer le sujet avec ses camarades. Certains l’ont suivi.
Après une première journée d’action le 17 mars avec quelques camarades, « près de 400 lycéens étaient présents à la manifestation du 31 mars », qui a rassemblé 1 300 manifestants dans les rues d’Alençon.
Mais depuis, avec l’approche du baccalauréat, il éprouve de plus en plus de mal à mobiliser. Et même « à échanger sur la loi ». La direction de son établissement « ne veut pas entendre parler de mobilisation dans l’enceinte du lycée. Il n’y a pas de dialogue. La distribution de tracts pour expliquer la loi y est interdite. »
Prise de parole devant les syndicats
Alors Corentin fait des tours dans les salles de permanence, à la cafétéria, dans le foyer « pour expliquer les enjeux ». Il a aussi créé un groupe spécial sur Facebook qui compte 200 personnes.
Désormais, lors des manifestations, ils ne sont plus que 30 ou 40 lycéens, parfois moins. Corentin, lui, n’a plus raté une seule mobilisation. « J’y vais à chaque fois car ce n’est pas le moment de lâcher. Il faut être solide. »
Au milieu des syndicats, tous bien plus âgés que lui, il n’hésite pas à prendre la parole « sans stress particulier » mais aussi « sans discours écrit ».
Une affaire de famille
« J’ai un bon dialogue avec les syndicats qui apprécient le fait que je sois jeune. Mais je ne souhaite pas y entrer car je veux garder mon indépendance. Je n’ai pas peur de dire les choses et parfois de gueuler plus fort que les syndicats ».
Son engagement et son franc-parler, Corentin le doit à ses parents. Eux aussi se sont « toujours engagés quand il le fallait. », Son père, psychologue à la retraite « a fait mai 1968 » et « vient aux manifs quand il peut ». Ses deux frères et ses trois sœurs tous plus âgés que lui ont aussi « été baignés dedans. On est tous sur la même longueur d’ondes ».
Ce soutien permet à Corentin de rater les cours pour prendre part aux manifestations. Mais c’est aussi car il « ne s’inquiète pas pour l’obtention du baccalauréat. Si j’avais des difficultés scolaires, je me poserais plus la question », avoue-t-il.
L’année prochaine, il entreprend d’entrer en Licence Art du spectacle, option cinéma à Caen. Plus tard, il pourrait donc devenir intermittent du spectacle. Il le sait, « c’est un métier avec un statut très bizarre et où les conditions de travail ne sont pas évidentes ».
Mais il veut « être derrière la caméra » car « on peut dire beaucoup de choses à travers un film. Bien plus que dans un discours. » Son engagement n’est pas prêt de s’essouffler.