C’était en 2013, au kilomètre 13 de la course pédestre Alençon-Médavy. Spectatrice, Nadine Maj ressent une douleur dans les reins. Une douleur qui, depuis, « ne m’a plus jamais quittée ».
Elle en parle à son médecin traitant qui prescrit des aniti-inflammatoires. Sans succès. Lorsque ce médecin lui dit que « c’est dans la tête… », elle tape du poing sur la table et veut passer un scanner.
Cancer ?
C’est alors la douche froide : « il y avait des métastases osseuses, et peut-être un cancer primitif ailleurs ». Mais ce dont elle souffre n’est pas un cancer des os. Elle l’apprendra un peu plus tard, à l’hôpital Lariboisière à Paris : « je suis atteint d’une displasie fibreuse osseuse ».
Une maladie génétique extrêment rare « dont on ne guérit pas ».
Le… 13 septembre 2013, son médecin la met en arrêt de travail. Et c’est seulement en juin 2014 qu’on lui propose un vrai traitement. Médicaments, kiné, infiltrations, repos… Il faut « apprendre à vivre avec la douleur. Et 70-80 mg de morphine par jour, ça vous anéantit » .
La souffrance ? « Difficile à décrire. Comme une masse collée au bassin et qu’il faut trimbaler, et qui vous empêche de marcher ».
S’occuper l’esprit
Nadine Maj a repris le travail en avril 2015, à 50 %. En janvier dernier, elle est passée à 80%. Début mars, elle passera à 100 %. Pourquoi ? « J’ai besoin que mon esprit soit accaparé ».
Car… que de combats. « Je me suis débrouillée toute seule… On m’a parfois prise de haut. A la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie de l’Orne, un médecin-conseil m’a dit que ma maladie était plus psychologique que physique ».
Trop de boulot ?
C’est là qu’on lui parle de mise en invalidité : « le mot m’a explosé à la figure. Ça m’a dévastée ». Certains s’en seraient accommodé. Mais Nadine Maj veut aller au boulot. La retraite ? « On verra ça plus tard »
Pourtant, c’est peut-être le travail qui a fait émerger cette maladie génétique : « j’avais des soucis sur le plan professionnel, notamment une surcharge de travail, c’était ingérable. Sur un organisme excessivement fatigué, les douleurs ont pris toute leur place ». L’effet du burn-out ? Et c’est en lisant le témoignage de Nadia Guiny (OH du 26 janvier) qu’elle a voulu parler « comme un exutoire ». Comme elle a commencé à noircir les pages d’un cahier. « Une thérapie. Un besoin ».
Dépression
Elle ne le cache pas : elle a fait une dépression . « On longe sans s’en apercevoir » confie-t-elle, toujours sous antidépresseurs. Comme elle doit également soigner, à vie, un décollement de l’épithélium.
La vie est-elle injuste ? « C’est comme ça… ». Comment qualifie-t-elle son actuelle vie ? « Je n’en sais rien ». Même si ça va mieux : « j’ai détesté mon corps ». A-t-elle pensé au suicide ? « Deux fois ». Ses enfants et son mari l’ont sauvée. Sa vie demain ? « Continuer ».
Ce dont elle se contente ? « Se lever, marcher, travailler ».
« Vous n’existez plus »
Travailler à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat à Alençon, là où « j’ai dénoncé certaines choses mais on ne m’écoutait pas ». Là où elle va retrouver un poste à l’accueil, comme une petite revanche.
Elle a de nouveau des projets, elle qui revient de loin : « quand on est dans le monde des malades, vous n’intéressez plus personne ». Sauf des exceptions qu’elle salue : « ma fille (âgée de 30 ans à l’époque), mes parents, le docteur Mérouani (du Centre anti-douleur de l’hôpital d’Alençon), la boulangerie Guillois, le boucher Brossard, Valérie du magasin Marina, l’ophtalmo Bondu et sa secrétaire ».
Dans la descente aux enfers, elle a appris sur le genre humain : « Des gens vous lâchent. Vous n’existez plus ». Elle a donc été déçue par certaines personnes. A l’inverse, « vous rencontrez des gens formidables ».
« Je ne lâcherai pas »
Quel bilan dresse-t-elle ? « C’est une tempête qui vous aspire dans son tourbillon. J’ai toujours eu l’impression d’être une coquille de noix sur l’océan en pleine tempête et que ça tape de partout et attendre que l’océan redevienne plus calme.
On en sort plus fort. Je ne suis plus la même. Cette épreuve m’a permis de retrouver mon identité. Mais les gens ont plus de compassion envers le cancer, la myopathie, la sclérose en plaques, maladies qui se voient. Actuellement, les douleurs sont donc redevenues très présentes et invalidantes mais je continue et je vais me battre encore pour faire avancer les choses. Je ne lâcherai pas ».
Ce qu’elle souhaite ? « Redonner un sens à ma vie ». Ce qu’elle demande ? « Qu’on nous comprenne ? Il faut lutter de toutes ses forces, contre tout et tout le monde ».
Car ce handicap ne serait reconnu par « les autres » que s’il était bien visible. Ce n’est pas le cas. Une épreuve supplémentaire.
JMF