Exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute à Bagnoles-de-l’Orne, Mortagne-au-Perche, Dinan, Perpignan mais aussi vols en récidive, falsifications de chèques, escroqueries, usurpations d’identité à travers tout le territoire national (de la Gironde à la Touraine via la Dordogne, la Normandie et la Bretagne)… Ce sont au total 44 infractions pour lesquelles un Manchois de 46 ans est convoqué ce jeudi 4 février devant le tribunal correctionnel d’Alençon.
“On ne me demandait rien”
Les faits ont été révélés en février 2014 à la suite d’une plainte d’un kiné de Mortagne contre un « confrère » qu’il avait sollicité, via un site internet spécialisé, pour un remplacement de six semaines fin 2013. Pour ce faire, il lui avait versé 8 440 € pour le remplacement. « Après le remplacement, il a eu des doutes sur ses compétences professionnelles et avait noté des incohérences sur la gestion de certaines choses vis-à-vis des patients et des patientes. Il s’était renseigné auprès de l’ordre des kinés et le nom donné correspondait effectivement à un véritable kiné. Mais on lui a aussi signalé qu’un homme sévissait sous ce nom dans toute la France sans être kiné », a détaillé le président du tribunal au prévenu qui reconnaît l’intégralité des faits.
Le kiné de Mortagne a formellement identifié le prévenu, connu de la justice depuis les années 2000 et dont le casier judiciaire riche de 11 mentions fait apparaître deux condamnations antérieures pour ce délit d’exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute.
« Pourquoi avoir choisi ce métier ? », l’interroge le président. « J’en avais fréquenté beaucoup dans le domaine du football et c’était assez facile de faire un strapping. Et surtout, comme j’étais toujours en cavale, c’était plus facile à exercer comme métier que boucher par exemple car en boucherie, il faut présenter un CV. Là, en kiné, on ne nous demande rien ! Et j’aimais l’approche avec le patient. Je pense que j’étais en recherche d’une reconnaissance que je n’ai pas eue. Je n’ai aucun diplôme, j’ai accumulé du retard scolaire. Je bégayais ce qui donnait lieu à des moqueries. J’ai arrêté l’école à 14 ans », confie le prévenu.
“Absent pour les cas compliqués”
Le président pointe du doigt ses absences « dès qu’un cas compliqué se présentait ». Le prévenu confirme. « Je prenais les cas simples mais j’évitais de prendre des pathologies compliquées pour ne pas faire de mal aux patients ». Il a ainsi effectué des dizaines de remplacements entre 2013 et son arrestation en octobre 2014 aux portes de Caen chez une amie, poursuivie, elle, pour « avoir encaissé de l’argent sur son compte tout en sachant qu’il provenait d’un délit ». À la barre, la femme nie les faits.
À l’aise devant le tribunal, l’homme à la frêle silhouette, fait démarrer ses « premiers pas » dans la délinquance à l’âge de 30 ans. « J’étais fonctionnaire dans une collectivité du Calvados et j’étais chargé d’encaisser les loyers des gens du voyage. À un moment, ils m’ont proposé d’encaisser leurs chèques sur mon compte et de leur reverser l’intégralité de la somme en liquide contre 10 % du montant. À l’époque, ma compagne était enceinte, j’avais été infidèle, j’ai démissionné de mon poste et suis parti avec les gens du voyage. Je suis tombé dans une spirale d’argent facile… mais pas à cause des gens du voyage ! J’avais conscience de ce que je faisais ».
“Aptitude à travailler dans la santé”
Ses emprisonnements pour exercice illégal de la profession de kiné ne l’ont pas freiné dans sa délinquance. « Les peines de 4 à 5 ans de prison ne me faisaient rien du tout. Je racontais mon cursus d’escroc en prison et j’étais fier de le dire. J’étais dans une spirale narcissique ». En 2011, à sa sortie de détention, il se présente à un bilan de compétences « duquel il ressort une aptitude à travailler dans la santé », souligne le président du tribunal. Avec son amie, il monte une entreprise « de vente de compléments alimentaires » depuis un site internet qu’elle et une de ses amies lui créent. « Et tout s’est bien passé pendant 18 mois », affirme le prévenu. Jusqu’en 2013, date à laquelle il replonge en volant une Audi A3.
“Soulagé d’être arrêté”
Interpellé à la suite d’un mandat d’arrêt en octobre 2014, il se dit aujourd’hui « soulagé ». « Je me demandais quand tout cela allait s’arrêter. Je voulais sortir de cet enfer, redémarrer une carrière d’entraîneur de foot et retrouver la confiance des gens », précise celui qui a non seulement reconnu tous les délits relevés à son encontre « mais j’en ai donné d’autres aussi aux enquêteurs parce que c’était devenu trop compliqué pour moi. Je n’avais plus aucun ressentiment pour personne, il fallait que ça s’arrête ».
En détention provisoire depuis son arrestation, il signale désormais “bénéficier de soins psy”.
Onze parties civiles et 17 victimes ont été recensées. Elles sont représentées ce jour devant le tribunal correctionnel d’Alençon.