Les « îles Normandes » : Jersey, Guernesey et Sercq
Survivance du Duché de Normandie, confié par le Roi de France en 935 à Rollon et à ses successeurs et repris pour une large part (Tout le territoire continental en faisait partie !) par Philippe-Auguste, roi de France, en 1204, les « îles Normandes » ou « îles de la Manche » (improprement appelées : « les îles anglo-normandes ») vivent encore sous le régime du « duc ». Comme déjà dit, elles ne font pas partie de l’Angleterre …ni de l’Europe …
Quand Sir Baillache, Bailli de Jersey, m’accueillit au siège du Gouvernement de l’île, il me lança, sur le ton de la plaisanterie : « Bienvenue en Normandie ! » Quand je lui répondis que je venais de Normandie, il me précisa : « Vous venez de France, mais pas de Normandie ! » …Jeux de mots ! Elles se fondirent cependant dans un nouvel ensemble anglo-normand pour ne constituer qu’un tout grâce à Guillaume !
Lorsqu’en 1204 l’infâme Duc-Roi Plantagenêt Jean dit « sans Terre », perdit l’essentiel de ses possessions sur le Continent, les habitants des îles décidèrent de rester loyaux envers ce souverain mais surtout envers l’Angleterre ! Ils n’y étaient pas obligés mais choisirent de d’opter pour cette solution. C’est là un point important et d’ailleurs depuis cette époque, leur position n’a pas changé.
Indépendance totale
Au fil des ans, les rois d’Angleterre successifs confirmèrent par Chartes successives la totale indépendance des îles normandes en retour logique d’une certaine allégeance des îliens au Duché de Normandie (Charles d’Angleterre, après sa mère, sera Duc de Normandie !) et aux héritiers légitimes de la couronne ducale qui étaient devenus souverains d’Angleterre.
Il faut bien noter que cette reconnaissance n’est pas celle au Gouvernement de l’Angleterre mais uniquement une soumission envers une personne qui d’ailleurs est détentrice du blason aux « Trois Léopards ! Cette subordination à la couronne débuta donc ainsi et se poursuivit jusqu’à nos jours.
Sa Majesté la Reine d’Angleterre, Elisabeth II a été reconnue comme Duchesse de Normandie (d’ailleurs sur la monnaie des îles elle porte, nous vous le rappelons, la couronne ducale) et tenue dans la plus haute estime partout à travers le territoire. Sur la monnaie, elle coiffe parfois la couronne combinée d’Angleterre et de Normandie et c’est bien entendu à la Normandie que la population est unie par loyauté !
Après la débâcle de Jean dit « Sans Terre », alors que la Normandie continentale était perdue, ces îles assurèrent leur constitution propre.
Dans les archives des îles existent des pièces originales octroyant des privilèges spécifiques aux iliens comme celui de ne pouvoir être appelés en dehors de leur domaine pour y prendre les armes sauf si il s’agit de porter secours au souverain « enlevé par ses ennemis » …ou bien« de conquérir l’Angleterre »…
Huit siècles plus tard
C’est vraisemblablement parce qu’elles sont toutes petites que ces îles mettent tant d’acharnement à protéger leurs institutions, leurs valeurs et leurs droits. Elles possèdent leurs propres règles, inspirées pour partie par la « commun law » et les institutions normandes.
Cette situation perdure depuis plus de huit siècles mais semble de plus en plus contestée, y compris par Bruxelles qui leur reproche d’être un « paradis fiscal »… Il faut rappeler que membres du Commonwealth, ces territoires ne font nullement partie d’un domaine réglementé ! Elles se gouvernent elles-mêmes et possèdent leurs usages … en un mot leur indépendance !
Comme le disait en substance un vieil habitant de Jersey (Normand authentique !) : « Les autochtones deviennent de plus en plus rares !… Nous sommes fiers de faire flotter le drapeau anglais sur notre territoire…mais uniquement pour nous rappeler que l’Angleterre est notre…plus ancienne conquête ! »
Si, chaque année, de plus en plus, la population de cette Normandie insulaire parle Anglais – le Français est toutefois toujours la langue officielle ! – le « patois normand » reste l’un des trois langages de ces territoires insoumis et notamment le parler des marins ! Il est souvent utilisé par les pêcheurs qui rayonnent notamment autour de l’île de Serq.
Il était de tradition, pour les membres de l’élite dirigeante, de faire « apprendre la langue des aïeux » aux enfants. Ils les envoyaient fréquemment étudier quelques années dans les Collèges, Lycées ou Universités normandes…
Le « français » était, il n’y a pas si longtemps encore, la langue la plus usitée par les Tribunaux de Jersey et de Guernesey. Il demeure aujourd’hui indispensable pour les avocats et juristes de parler couramment la langue de Voltaire et d’aller étudier le Droit Normand coutumier durant quelques trimestres à la Faculté de Droit de Caen.
Gérard ROGER.