« Nous, hommes de justice, nous ne sommes pas compétents pour prendre en charge la détresse des chefs d’entreprise qui passent devant nos tribunaux mais on ne peut pas rester indifférents ».
« Humains avant tout »
C’est parce qu’il en a eu assez de voir défiler dans les tribunaux des chefs d’entreprise à bout, à la limite du burn-out ou du suicide, que Marc Binnié, greffier associé au tribunal de commerce de Saintes (17), a décidé en 2012 d’agir.
Il explique :
« J’ai assisté un jour à une conférence sur le suicide en milieu carcéral. Et rencontré le psychologue clinicien Jean-Luc Douillard. Ensemble, nous avons mené une réflexion afin d’apporter une réponse à la détresse et aux idées noires de certains entrepreneurs. Oui, nous sommes des hommes de loi, mais nous sommes humains avant tout ».
En Normandie et à Alençon
Le dispositif APESA (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance Aigüe) né un an plus tard. Et il se développe actuellement sur tout le territoire. Francis Labrunye, ancien président du tribunal de commerce de Rouen, est aujourd’hui le président d’APESA Normandie. Il était lundi 24 avril invité par la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) d’Alençon afin de présenter ce dispositif, « auquel nous avons décidé d’adhérer » précise Jean-Luc Adda, président du tribunal de commerce d’Alençon.
Des « sentinelles »
Ce dispositif repose sur un concept simple : des « sentinelles » au sein des tribunaux mais aussi parmi les avocats sont formés à détecter, repérer tout signe de détresse chez l’entrepreneur.
« Une fiche alerte est alors réalisée; avec le consentement de la personne car cela doit rester une démarche volontaire. Nous collaborons avec un réseau de psychologues sur le territoire et un rendez-vous peut-être pris rapidement ».
Depuis peu, l’APESA travaille avec « Ressources Mutuelles Assistance » qui gère les fiches alerte de façon efficace et rapide. « Ce sont eux qui interpellent le psychologue le plus proche » poursuit Marc Binnié.
Prise en charge financière
Ce dernier tient aussi à préciser que ce dispositif d’alerte s’adresse à tous : « on ne juge pas. Une sanction pénale ne change rien : si une aide psychologique est nécessaire, on alerte en orientant vers des professionnels compétents ».
L’association prend en charge la formation des « sentinelles », la fiche alerte ainsi que les rendez-vous avec le psychologue (cinq au maximum, trois en moyenne). « Soit un coût d’environ 250 euros par alerte » souligne Jean-Luc Adda. Ce dispositif devrait s’étendre sur tout le département de l’Orne, un réseau de psychologues a déjà été constitué et un référent nommé (M. Bibard). Reste à former les « sentinelles ».
Depuis 2013, 450 alertes ont été déclenchées et 450 « sentinelles » ont été formées. « Et aucun chef d’entreprise n’a encore refusé notre aide » ajoute Marc Binnié.