
Lorsqu’elle se présente au tournoi de Nantes, en décembre 2006, Sabrina, 19 ans, ne vit que pour le judo. En sports études depuis la 4e, licenciée à Carrouges depuis qu’elle a 5 ans, la jeune femme a un objectif : l’Insep.
Mais lors d’un combat, sur un étranglement, à la suite d’une immobilisation, Sabrina s’évanouit. « Je n’ai pas voulu taper (pour mettre fin au combat, N.D.L.R.) et l’arbitre n’a pas vu que je partais dans les vapes », raconte la judokate. « Quand j’ai repris conscience, j’ai senti une grosse douleur dans le dos et je n’avais plus de sensation sur toute la partie droite du corps. »
« Les médecins ont eu peur »
Victime d’un pincement d’un nerf de la moelle épinière, Sabrina est hospitalisée à Nantes pendant une semaine. « Sur le moment, l’inquiétude, c’est de savoir pourquoi j’ai été paralysée, combien de temps ça allait durer », poursuit la jeune femme, aujourd’hui âgée de 28 ans. Au bout d’une semaine, l’Ornaise retrouve des sensations dans le pied droit. « La kiné a fait le reste, j’ai dû porter une minerve pendant deux mois. »
Pour le judo, en revanche, c’est terminé. « Les médecins me l’ont dit tout de suite car, normalement, sur un étranglement, ça ne doit pas se produire. Ils ont eu peur. » Pour Sabrina, c’est la catastrophe. « L’école, ça me plaisait moyen, c’était le judo qui me motivait. Perdre cela, ça m’a donné envie de tout laisser tomber. C’est le temps qui permet de rebondir. Et puis, de toute façon, il n’y a pas le choix. »
Après avoir obtenu un bac STG (Sciences et technologies de la gestion), Sabrina commence à travailler et refait sa vie sans le judo. Aujourd’hui, elle vit à La Lacelle avec son compagnon Yvan et leurs cinq enfants. Chef d’équipe dans le nettoyage à Carrefour, elle travaille de nuit. « Pendant 7-8 ans, j’ai lâché le judo même si, tous les ans, je réitérais ma demande de licence. » En vain.
De Carrouges à Saint-Lô
Jusqu’à cette année. « Pendant mon arrêt, je me suis mise au badminton mais ça ne valait pas le judo. J’ai besoin de ce sport, c’est mon pied pour me tenir debout. Alors, lorsque mon petit garçon a démarré le judo à la rentrée, j’ai redemandé le feu vert à mon médecin. Il a compris la situation et m’a laissé y aller, à condition que le premier entraînement se passe bien. »
Lorsque Sabrina enfile de nouveau son kimono, serre sa ceinture noire, elle ressent « de la joie et de la peur ». « La peur d’être ridicule, de ne plus savoir quoi faire. » Et retrouve donc le club de Carrouges, en loisirs, et son premier entraîneur, Frédéric Remars. « J’ai voulu démarré tranquillement mais dès le premier entraînement, c’est comme si je n’avais jamais arrêté. On a refait des chutes avant et c’est revenu tout de suite. »
Rapidement, Frédéric Remars propose à Sabrina une compétition à Saint-Lô, le 29 novembre. « J’ai stressé pendant une semaine à l’idée de refaire une compétition. La peur de me reblesser, de ne pas être capable de tenir quatre minutes, d’affronter mes angoisses, mon adversaire. Finalement, ça n’a été que du bonheur. »