« On peut parler d’une sécheresse hivernale », s’inquiète Patrick Cousin, vice-président du Syndicat Départemental de l’Eau (SDE) dans l’Orne.
Florence Vivien, directrice du SDE, complète :
« Nous en sommes au huitième mois de déficit et cela ne devrait pas s’arranger puisque nous arrivons à la fin de l’hiver. »
Un hiver sec
Depuis les fortes précipitations des mois de mai et juin 2016, la pluie a déserté le département. Au poste d’Alençon par exemple, seulement 35,4 millimètres d’eau de pluie ont été relevés en septembre 2016 alors que la normale pour ce mois est de 61,8 mm. Même chose en octobre avec 21,9 mm contre 75,9 mm normalement et en décembre avec 22,1 mm contre 83,5 mm.
Contrairement à l’année précédente, l’hiver sec se prolonge depuis le début d’année 2017 avec près de trois fois moins de pluie en janvier 2017 qu’en janvier 2016. Les derniers relevés du mois de février ne sont pas plus réjouissants avec 44 mm contre 55 habituellement.

Risques de pénurie
Conséquence directe de ce manque de pluie : les nappes d’eau souterraine ne se remplissent pas assez et leurs niveaux sont « bien en dessous de la moyenne et même, à certains endroits, en dessous du niveau minimum. »
« L’Ouest du département, dans le Bocage, est le plus touché et la situation est moins tendue dans Le Perche, à l’Est », détaille Florence Vivien.
« Mais globalement, la situation est préoccupante dans tout le département. »

Les nappes d’Alençon (stade) et de Ciral sont quasiment à leur niveau minimal, « ce qui ne signifie pas qu’elles sont vides », précisent les responsables du Syndicat « mais qu’elles sont à leur niveau le plus bas sur les 20 dernières années, date du début des relevés ».
Des restrictions cet été ?
« Avec le printemps qui arrive, l’effet d’évaporation d’eau va s’accentuer et les plantes vont aussi consommer plus d’eau. »
« S’il n’y a pas de fortes pluies dans les deux mois qui viennent, la situation va se compliquer davantage. »
Au bout : le risque rapide d’une pénurie et la nécessité de mettre en place des restrictions pour tous les consommateurs.
Besoin de deux mois de fortes pluies
Comment la situation peut-elle s’améliorer d’ici cet été ?
Les quelques averses tombées sur le département ces derniers jours ne suffisent pas. Pour que les nappes se remplissent efficacement, « il faudrait deux mois de pluies abondantes pour que l’eau pénètre dans le sol », expliquent les responsables du SDE. En clair, les giboulées de mars sont très attendues.
D’autant plus que certaines nappes absorbent l’eau moins facilement que d’autres. On parle de nappes « captives », plus profondes, si elles sont surplombées d’une couche peu perméable empêchant l’absorption de l’eau. Les autres sont des nappes « libres » situées directement sous un sol plus ou moins perméables. Le calcaire notamment facilite l’infiltration de l’eau des pluies. Dans l’Orne, les nappes libres et captives sont aussi nombreuses et réparties équitablement sur le territoire.
Que se passerait-il si la pluie arrive plus tard, à partir du mois de juin par exemple ? Les nappes se rempliraient effectivement. En revanche, l’agriculture serait particulièrement affectée car l’humidité affecterait la floraison et gênerait la moisson, accentuant ainsi les pertes lors des récoltes.
Or ce sont ces nappes qui alimentent en eau les habitations, les industries et certaines exploitations agricoles qui dépendent des cours d’eau, eux-mêmes liés au niveau de recharge des nappes. Sans pluie, certains cours d’eau seront « vraisemblablement à sec ». Pour d’autres, un débit trop faible menacerait la vie aquatique.
« Notre rôle est de sensibiliser sur la consommation d’eau et d’alerter sur la situation », ajoute la directrice du SDE.
« C’est ensuite la préfecture, avertie du problème actuel, qui décidera ou non de prendre des mesures de restrictions. »
Pas de plan B
Or le département n’est pas le mieux équipé pour faire face à une pénurie d’eau. En effet, les nappes d’eau les plus remplies ne peuvent pas forcément alimenter les zones en pénurie.
« Il existe quelques interconnexions dans les réseaux mais elles ne permettent pas du tout de desservir tout le département, et notamment les zones les plus touchées… »
Il existe également quelques syndicats d’achat d’eau avec la Mayenne par exemple, mais cette solution est « coûteuse et seulement ponctuelle ». Surtout, la situation n’est pas forcément meilleure dans les départements voisins. La Sarthe et le Calvados notamment connaissent des problèmes similaires.