Votre état d’esprit ?
« Un état d’esprit de tranquillité, de consensus, de paix et de réconciliation avec tous ceux que j’ai eu l’occasion de rencontrer ».
La vie politique est rude ?
« Elle donne lieu à des rapports de force permanents, à des luttes, des conquêtes, des controverses, des compétitions, une sorte de tintamarre incessant et brutal.
Je souhaite me soustraire définitivement à cette vie qui ne correspond pas à ma nature ».
Pour faire quoi ?
« Cultiver une belle sérénité, maîtriser mon temps, réfléchir et agir pour le long terme, et non plus sous la tyrannie de l’urgence et du quotidien”.
Injuste avec…
La maladie née l’été dernier a joué un rôle dans votre décision ?
« Elle m’a offert le temps de réfléchir au sens de la vie. Sens que l’on perd dans le tourbillon d’une vie d’élu, sans s’en rendre compte. Il y a un après ».
Vous avez failli démissionner en juillet 2016, mois de vos 70 ans : vrai ou faux ?
“Vrai. Mais je m’y suis pris tard. Et j’ai été happé par la maladie”.
Vous éprouvez le besoin de vous réconcilier avec qui ?
« Une trop grande partie du temps de cerveau disponible des élus est consommée dans des querelles intestines, des heurts d’ego froissés, des non-dits, une forme d’hypocrisie distinguée qui empoisonnent la vie publique. J’entends exclusivement jouer un rôle de vieux sage pour favoriser l’entente et le consensus entre tous les acteurs ornais ».
Vous avez rudoyé Hubert d’Andigné…
“Avec le recul, et l’expérience de l’exécutif, je regrette d’avoir été injuste avec lui. Il a lancé le plan routier ornais qui a produit des fruits très utiles aujourd’hui. Certes, cela avait dégradé les finances, mais il s’agissait d’investissements ».
Vos priorités, désormais ?
“La révolution numérique va transformer nos vies et l’organisation de nos territoires, d’où la construction du pole numérique.
La seconde priorité est la démographie médicale. Sans action non seulement forte, mais en plus imaginative, nous sommes menacés dans moins de 10 ans de ne plus avoir de médecins. D’où notre idée d’ouvrir (en septembre 2018, dans les locaux de Startech) une école universitaire de médecine générale numérique directement connectée avec la faculté de Médecine et en partenariat avec l’agence Régionale de Santé ».
« Fabriquer un ministre dans l’Orne »
La réforme territoriale ?
“Les grandes régions, les grandes métropoles, les grandes intercommunalités sont des machines à vider l’espace rural.
Sans parler des gaspillages. La grande perdante de cette folie sera la proximité ».
Le Département est maltraité ?
« Oui et c’est une grave erreur du Gouvernement. Il les accule financièrement. Tout cela pour le fallacieux prétexte de réduire le millefeuille. C’est lui qui alimente ce millefeuille en imposant de créer des syndicats mixtes pour tout et n’importe quoi ».
« Ne pas confier son destin »
La Région renforcée, ce n’est pas bon ?
“Le soi-disant renforcement des régions est une autre tartufferie. Elles devaient s’agrandir pour rivaliser avec d’autres à l’international : elles se sont mises à mener des politiques cantonales. Les départements vont devoir promouvoir eux-mêmes leurs activités à l’extérieur. Ce n’est pas leur job. Ce chamboule-tout est ruineux et inefficace”.
Pourquoi vous accrocher à l’échelon départemental ?
« Je recommande vivement de garder et prendre notre destin en mains, plutôt que le confier à d’autres. L’Orne, c’est moins d’habitants que la seule agglomération de Rouen. Si on y va en ordre dispersé, c’est foutu”.
Vraiment ?
“La tendance est à la concentration de tous les moyens dans les capitales régionales, en dépouillant nos villes moyennes. D’où la nécessité de pouvoir parler au nom des 290 000 habitants de l’Orne tous ensemble ».
Morin oublieux ?
Hervé Morin (UDI comme vous), président de la Région Normandie…
“Il a la mémoire courte. Je lui souhaite de la retrouver avant les prochaines élections. Sans les 4 000 voix offertes par les Ornais au second tour, il ne serait pas élu. Nous avons tout fait pour apaiser les esprits pendant sa campagne, après des propos pour le moins déplacés concernant l’Orne ».
C’est fini, la lune de miel ?
« Le soir même de son élection, il a invité les présidents de Département. Mais les mauvaises manières ont recommencé. Ses prises de parole à l’endroit des départements sont régulièrement désobligeantes.
J’aime la courtoisie, l’élégance, la prévisibilité et le respect mutuel entre collectivités. Pour l’instant, il lui reste beaucoup de marges de progrès”.
A la bretonne
Terrenoire, Doubin, Lambert… Seulement trois ministres ornais en soixante ans…
« Nous devons toujours plus renforcer notre influence à l’extérieur et notamment à Paris. Fabriquer un ministre dans l’Orne doit être un projet. A nous de « former » un ou deux profils de ministres en permanence, de droite comme de gauche. Nos voisins le font ».
L’Orne ne joue pas à la bretonne…
« Les Bretons, dès qu’ils jouent à l’extérieur, savent immédiatement faire cause commune pour gagner et atteindre des objectifs qu’ils ne pourraient jamais réussir divisés. En cultivant leur identité, ils nourrissent une solidarité sans faille. Nous pouvons les imiter ».
Un exemple de raté en la matière ?
« La Nationale 12 : il y a déficit d’influence».
Préserver une civilisation
L’avenir de la ruralité ?
« C’est un enjeu de civilisation. Le monde est devenu un village planétaire.
Pourtant, chaque personne a besoin de se relier au vivant, de sentir le temps des saisons, de retrouver la terre pour ne pas se perdre dans un monde devenu virtuel, artificiel. Personne, pour s’épanouir, ne peut vivre durablement « hors sol » ni hors du temps réel ».
C’est de la nostalgie ?
« Nous devons refuser qu’on traite cet espace comme une « réserve d’indiens ». Nous sommes la bonne échelle, pour préserver nos ressources naturelles, faire vivre une démocratie apaisée et de proximité. C’est la contrepartie d’équilibre avec la mondialisation ».
La bureaucratie d’État ?
“Une lutte sans merci doit être engagée pour sortir de cette spirale infernale qui transforme les élus en laquais des fonctionnaires d’État. Je ne supporte plus de devoir vivre au rythme léthargique de l’État paperassier et bureaucratique. Je dénonce l’atteinte aux libertés fondamentales et à la démocratie par certains hauts fonctionnaires, d’ailleurs plus bas que hauts”.
Fusion Etat-Département
Etat-Département : il y a du gaspillage ?
“Dans les départements de notre taille, nous devrions fusionner les services de la Préfecture et ceux du Conseil départemental.
Le préfet serait en uniforme et le président du CD en civil, pour bien marquer la différence de fonction. Ils conserveraient leurs prérogatives de droit.
Nous ferions de grandes économies et on s’épargnerait des prises de tête quotidiennes.
L’idée, c’est que les services ne soient pas rivaux, comme c’est souvent le cas».
N’est-il pas temps de supprimer les départements ?
“Moins que jamais ! Sauf à nous faire dépouiller de nos médecins, de nos hôpitaux, de nos sièges sociaux, de nos emplois et de nos pouvoirs de décision”.
Au moins l’Orne, département fait de bric et de broc ?
“L’Orne correspond au périmètre du diocèse de Sées dessiné il y a 1 500 ans, un bric et broc qui a tenu à l’épreuve du temps, peut-être grâce à la variété de son territoire”.
La gestion du Haras du Pin, c’est le bazar…
“La gouvernance partagée entre l’État les collectivités territoriales est paralysante.
Le département , les communes et intercommunalités devraient ensemble acquérir le Haras du Pin et partager la gouvernance . Seuls des élus commanderaient, et nous construirions entre Ornais l’avenir de ce joyau . Nous ne serions pas pénalisés par le concours de parapluie auquel l’État se livre “.
« Nous sommes la bonne échelle faire vivre une démocratie apaisée et de proximité »
A suivre.
Et maintenant ?
Alain Lambert va rester conseiller départemental, présider la commission des Finances, s’occuper des dossiers du futur : Orne Métropole (un vocable au bénéfice duquel des financements pourraient être accessibles dans les années à venir), école universitaire de médecine générale.
Il ne se représentera pas en mars 2020. On ne le verra plus beaucoup sur le terrain officiel.