L’audience solennelle de rentrée du Conseil des Prud’hommes (CPH), lundi 30 janvier, a été l’occasion de faire le bilan de l’année judiciaire écoulée et surtout d’évoquer celle à venir.
Quel bilan tirez-vous des chiffres de l’exercice écoulé ?
« Tout d’abord, je tiens à saluer le travail effectué par les conseillers prud’homaux avec l’appui indispensable de madame le chef de greffe et de ses collaboratrices. S’agissant des chiffres, il est indispensable de tenir compte des dossiers Carrier et Carrefour, lesquels ont quelque peu pipé les dés en matière d’analyses. Globalement le conseil des prud’hommes d’Alençon fonctionne bien. »
Quelles vont être les principales orientations du CPH pour cette année 2017 ?
« Par-delà les nouveautés que les lois Macron et El Komri (Loi Travail) vont engendrer, la priorité des priorités du Conseil des Prud’hommes d’Alençon sera de rendre une justice la plus juste possible. Cela peut apparaître comme une lapalissade mais c’est l’objectif à atteindre. Les politiques voient d’abord vitesse et économie. Nous, nous prenons le temps qu’il faut pour éviter les injustices. Tant pour les salariés que pour les employeurs. La perte d’un emploi, la liquidation d’une entreprise, est toujours source de détresse. Il convient donc de prendre le temps d’écouter les doléances des uns et des autres. »
Quid de la loi Macron ?
« C’est l’écart qui sépare la théorie de la réalité du terrain. Jusqu’alors, le demandeur pouvait saisir les Prud’hommes en remplissant un simple formulaire comportant l’objet de sa demande. Depuis août dernier, c’est le parcours du combattant ! Il doit formuler une requête comportant un exposé sommaire des motifs et la mention de chacun des chefs de demande. Le tout devra être accompagné des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions, etc. Le reste des contraintes de la loi Macron est à l’avenant. Ce formalisme accru devra être respecté à peine de nullité. Comme l’a clairement souligné, lors de son intervention, le bâtonnier Céline Gasnier, les avocats sont également vent debout contre la complexité de cette saisine. Pour ma part, j’ai bien peur que ce formalisme exacerbé ne décourage les justiciables.»
Lors de votre intervention vous avez fustigé la loi El Komri…
« La loi El Komri, c’est avant toute chose la fameuse loi Travail qui a mis les gens dans la rue. Et quand on parle de loi Travail, les acteurs du monde du travail sont évidemment concernés et par là même, le code du travail et donc… les Prud’hommes ! Or, à la lecture de cette loi, il m’apparaît, qu’elle veuille, entre autres choses, assouplir les règles des licenciements, en particulier celles relatives aux licenciements économiques. Et ce, au nom de la sacro-sainte compétitivité. C’est en fait, pour certains, la porte ouverte aux licenciements injustifiés. Pour motifs fictifs… Par ailleurs, la loi travail détricote le code du travail au motif de simplification. Simplifier, ça ne veut pas dire détruire ! À partir de là, je crains que les Conseils de Prud’hommes ne soient souvent saisis. »
Les Prud’hommes ont-ils un avenir ?
« Ils sont l’avenir ! Cette exception française doit servir d’exemple aux autres pays et nourrir une réflexion sur les conditions de travail en général pour tendre vers une harmonie sociale indispensable. Tout le monde y trouvera son compte et à partir de là, on pourra alors parler de compétitivité ! »