Sa garde à vue avait mobilisé une petite centaine de collègues du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, le 12 janvier dernier. Ils étaient encore autant, dont certains en provenance d’autres centres de détentions de France, à le soutenir ce mercredi 8 février, date à laquelle le surveillant de la Centrale d’Alençon-Condé poursuivi pour deux faits de violences sur des détenus, comparaissait devant le tribunal correctionnel d’Alençon.
Vidéos à l’appui, la présidente du tribunal a cherché à comprendre pourquoi le prévenu avait agi ainsi alors que, lors des faits du 6 janvier, le détenu qui réintégrait la Centrale après une permission de sortir, “ne gesticulait pas, c’est – à -dire, qu’il ne faisait aucun geste”. Elle évoque également le fait que les sept collègues du prévenu “avaient les mains dans les poches ou sur le ceinturon voire étaient, pour certains, au troisième rang en train, de discuter”.
“Juger sur une minute de vidéo sans son”
Le surveillant insiste sur le fait que le tribunal doit juger “une scène de quarante minutes” sur une vidéo “sans son et d’une minute” sur laquelle on le voit effectuer une balayette au détenu puis lui tirer les cheveux une fois au sol. Il insiste sur les insultes et la provocation de la victime, ce soir-là, dès son retour à la Centrale.
Ce que conteste le détenu selon qui “les seuls mots que j’ai dit c’est : “J’ai passé une bonne journée, visiblement, ce n’est pas le cas de tout le monde”. Et je me suis retrouvé au sol”. Il reconnaît, en revanche, la possession de 9 g de cannabis retrouvé sur lui à l’heure de la fouille.
Le surveillant pénitentiaire rappelle qu’à Condé, “les détenus parlent tous comme la victime. On se fait insulter tout le temps”. Quant à l’attitude de ses collègues, elle est dictée par la théorie enseignée. “A Condé, on nous apprend à ne pas mettre nos mains en opposition, à les garder dans nos poches ou sur le ceinturon pour ne pas offusquer les détenus”.
“Pour sécuriser mes collègues”
Il affirme avoir eu ce geste “de maîtrise” du détenu “pour mettre les collègues et moi-même en sécurité. Je connais ce détenu, je sais de quoi il est capable”. Il ne sait, en revanche, pas justifier le fait d’avoir tirer les cheveux. “Je ne m’en rappelais plus. Je l’ai découvert en regardant la vidéo”.
Le 4 mars 2016, il avait maîtrisé un détenu en le couchant au sol, aidé de deux autres collègues. Il avait ensuite positionné son genou sur le visage du détenu “en effectuant des rotations de son genou sur la joue” alors que le détenu était pieds et mains liés. Le surveillant explique son geste par le fait “que certains détenus cherchent à nous mordre. On se doit, nous, de les maîtriser en bloquant leurs pieds, leurs mains et leur tête”.
“Il y a des lignes rouges à ne pas franchir”
Pour le procureur de la République, “les violences n’étaient pas nécessaires dans le premier cas, et plus nécessaires dans le second cas. Il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Or, là, elles l’ont été”. Il requiert six mois de prison avec sursis à l’encontre du surveillant pénitentiaire et quatre mois de prison ferme pour le détenu au titre de l’infraction de détention de stupéfiants.
L’avocate du surveillant pénitentiaire a notamment fait valoir que son client avait misé sur la sécurité de ses collègues, dans le premier cas, et avait relâché le détenu à l’arrivée des renforts, dans le second cas où “les violences ne sont pas caractérisées”. Elle a fourni un “almanach de l’école nationale de l’application des peines” dans lequel “des positions de défense font état de violences plus probantes que celles reprochées” à son client.
L’affaire a été placée en délibéré. Le jugement sera rendu demain, jeudi 9 février, à 14 h.