Ancien membre des Renseignements généraux (RG) en poste dans la Sarthe, Michel Aubry a côtoyé François Fillon, de décembre 1995 à mai 2008.
Alors, Pénélope ? « Nous, Renseignements généraux, on ne l’a jamais vue. Nos interlocuteurs, c’était Pierre Molager qui faisait un vrai travail astreignant d’assistant comme naguère Anne Koenig-Haguet, puis Marc Joulaud, attaché à son cabinet, successivement au Département puis à la Région ».
Sans doute fictif
Pénélope ? « Comme une femme du XIXe, qui ne s’occupait pas de la carrière de son mari ».
Donc, pas assistante parlementaire ? « L’emploi est sans doute fictif : tous les intervenants dans le microcosme le savent. Elle ne devait même pas être au courant. Je ne voudrais pas être dans sa peau ni celle des enfants : ce doit être un séisme ».
Mais puisque Pénélope avalait la quasi-totalité de l’enveloppe destinée à financer les postes d’assistants parlementaires, comment était payé Molager ? « Sans doute par le jeu des chaises musicales. Il était rattaché à la communauté de communes et à la mairie de Sablé ».
Il s’y voyait
Mais l’histoire entre Michel Aubry et François Fillon remonte aux années 1969-1972. Durant trois ans, à Sainte-Croix au Mans, ils ont été voisins dans la même classe, en Seconde, Première et Terminale. Anecdote : « Un jour de bazar, Fillon se lève, tend les bras « à la De Gaulle » et lance : « Taisez-vous ! Vous êtes devant le futur Président de la République ! ».
Néanmoins, Fillon était déjà « cachottier, et ça s’est exacerbé ». Sa notice aux RG ? « Je n’ai jamais vu plus squelettique. Un déroulé de vie politique sans relief ni écueil ».
Dilettante
Mais comment expliquer cette boulette d’emploi présumé fictif ? « C’est un dilettante comme il l’avoue lui-même lors de sa première élection comme parlementaire, dans un article de Palace Magazine. Et il pratique ce que dans le milieu catholique on appelle la délectation morose : le péché consistant à dénoncer une chose tout en s’y complaisant. Intérieurement, se rend-t-il compte de ce qui lui arrive ? ».
Fillon est devenu l’assistant de Joël Le Theule, notamment ministre des Transports : « Il envisageait alors d’entrer à Air France ». Le Theule meurt prématurément en décembre 1980. Fillon récupére l’héritage politique. Problème : « il ne s’est jamais battu en politique. Le combat qu’il mène, à l’issue incertaine, s’apparente à l’ascension de l’Everest, sans préparation ni sherpa. On connaissait l’endroit mais pas l’envers du personnage et c’est sidérant ».
Jusqu’au-boutiste
Qui est à l’origine de la sortie de cette affaire ? « Je ne sais pas mais ça se révélera », observe M. Aubry qui voit les candidats comme des produits marketing : « il y en a un qui doit sortir du lot, donc on massacre les autres. Comme dans le monde économique. Il existe des lobbies politiques qui font et défont. Dégommer devient un métier ».
Fillon va-t-il renoncer à la présidentielle ?
« C’est un obstiné, un jusqu’au-boutiste. Il ne partira pas de son propre chef. Mais qui va le convaincre de renoncer ? ».
Et « il ne supporte pas l’échec ». Déjà, depuis quelques jours, sur les images « il est éteint intérieurement ».
Mollesse
Michel Aubry comprend la consternation des militants : « Fillon, c’est presque comme Tibéri ». Mais il ne comprend pas que l’appareil « les Républicains » n’a pas passé au scanner sa candidature à la primaire.
Elle aurait permis d’écarter cet homme qui est « un romantique de nature.
Les profs écrivaient souvent « Élève intelligent mais extrême mollesse du comportement ». Selon lui, l’effort c’est pour les autres ».
Ducati
Mai 2007. Fillon entre à Matignon. Michel Aubry lui envoie un mail : « Cher François 1er ministre. Félicitations pour cette nouvelle page de ton destin désormais national et bon courage pour ton action politique qui sera sous le feu des projecteurs mais aussi la cible du kaléidoscope des médias.
Bien à toi. L’homme à la Ducati ».
Ducati, la moto que Michel Aubry prêtait à Fillon au temps de l’école, le mercredi après-midi. Une moto qu’il ramenait toujours fort tard.
À ce mail, Fillon n’a pas répondu. « C’est son habitude ».
JMF