L’Orne Hebdo : Quelle a été votre réaction après avoir appris que vous récupériez cette médaille olympique ?
Manuela Montebrun : C’est toujours particulier d’apprendre, huit ans après, que l’on a remporté une médaille. Pour moi, ce n’est pas la première fois puisqu’en 2013, j’avais déjà récupéré la médaille de bronze des Mondiaux de 2005, pour la même raison. L’obtenir de cette manière décontextualise complètement la joie que cela peut procurer.
Mais pour le moment, je ne considère pas avoir obtenu cette médaille olympique puisque je n’ai eu aucun contact avec le CIO (Comité international olympique). Je l’ai appris par voie de presse. J’y croirais seulement lorsque je l’aurais entre les mains. Après avoir appris que j’obtenais la médaille des Mondiaux, j’ai encore dû attendre deux ans avant de la récupérer réellement…
« Cela aurait pu avoir des conséquences sur ma carrière »
Obtenir une médaille huit ans après sa participation aux Jeux ne doit pas avoir la même saveur que de la gagner directement…
Cela enlève complètement les émotions et les sensations que l’on pourrait ressentir sur un podium, dans un stade, devant le public. C’est plus difficile de s’en satisfaire même si cela fait forcément quelque chose.
Qu’est ce que cela aurait changé si vous l’aviez obtenu durant la compétition ?
La différence est que, huit ans après, le titre est seulement honorifique. C’est une ligne de plus sur le palmarès mais les autres privilèges, on ne les a pas. On ne peut pas savoir mais il est évident que cela aurait pu avoir des conséquences sur ma carrière et des incidences sur mes résultats. Pour le dire grossièrement, cela peut vous booster ou au contraire vous faire prendre la grosse tête. Mais maintenant, c’est du passé…
« Je ne ressens pas de colère »
Avez-vous la sensation d’avoir été volée ?
Non, je ne ressens pas de colère. Au contraire, c’est plutôt rassurant de se dire que, même huit ans après, celles et ceux qui ont triché peuvent encore se faire rattraper. Si j’étais encore en activité, ma vision serait peut-être différente.
Quel regard portez-vous sur le dopage dans l’athlétisme ?
Il y a eu un coup d’accélérateur dans la lutte antidopage depuis l’année dernière et le rapport McLaren qui pointe le système de dopage mis en place par la Russie.
« Pas tombée à la renverse »
Les athlètes dopés tombent comme des mouches. Encore une fois, le fait d’être pris huit ans après montre à certains pays impliqués, même si tous les pays sont concernés, qu’il n’y a plus d’impunité. Cela prouve que même plusieurs années après, ils ne sont pas à l’abri de perdre leur palmarès.
Aviez-vous des doutes sur certaines de vos concurrentes à l’époque ?
Disons que je ne tombe pas à la renverse d’apprendre que certaines étaient dopées… Mais lorsqu’on est en activité, il est difficile d’émettre des doutes puisqu’on risque d’être attaqué pour diffamation. On ne peut pas forcément dire ce que l’on pressent.
Êtes-vous toujours engagée dans l’athlétisme français ?
Je suis toujours licenciée au Stade Lavallois mais j’ai énormément déconnecté de l’athlétisme. Je ne participe plus qu’aux Interclubs, cinq fois dans l’année. J’ai assez donné pour le marteau. Désormais, je pratique plutôt la course à pied ou le vélo, pour m’amuser uniquement.