« J’ai toujours baigné dans les livres, fréquenté les librairies ». Pierre Lenganey, 49 ans, est un dévoreur de bouquins. « Je lis de tout : du Anna Gavalda, du policier, des jeunes auteurs », confie le nouveau patron de la librairie Le Passage, institution alençonnaise. Marqué enfant par Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, puis par les écrits de Julien Gracq et Annie Ernaux, le Caennais sera officiellement propriétaire des lieux le 1er février.
« Coup de foudre »
Ex-directeur économique et chef d’établissement chez Bosch – « pour gagner ma vie, j’ai fait carrière dans l’industrie automobile » - Pierre Lenganey a décidé, en 2016, de se consacrer à ce qu’il avait « vraiment envie de faire ». Un retour aux sources : de 1990 à 1994, il avait déjà flirté avec le monde littéraire.
« J’avais créé une maison d’édition avec un associé. Nous avons publié une quarantaine de nouvelles, récits, essais, poésies ».
Les critiques étaient élogieuses. Mais la situation n’était économiquement pas viable. « Renoncer a été une grande frustration ».
Celui qui a « toujours eu envie de revenir dans le monde du livre » a franchi le pas en mars 2015. Avec deux amis, il a créé « La Renverse », une maison d’édition basée à Caen, et spécialisée dans la poésie. Mais pas que : « Le 15 février, nous allons sortir nos deux premiers romans ». En avril 2016, le quadragénaire est allé plus loin : « J’ai quitté Bosch et prospecté les librairies à vendre en Normandie ». La rencontre avec Le Passage a été un coup de foudre.
« J’ai tout de suite aimé le lieu, ses recoins. C’est plein de charme, pas cubique. Une invitation à aller de découverte en découverte ».
Réorganisation de la librairie
À l’issue des négociations, un compromis a été signé (à l’automne). Pierre Lenganey a pu racheter les parts des deux associés (Christian Gautier et Jacques Goavec) grâce au cumul apport personnel-prêt bancaire, mais aussi grâce au soutien significatif du Centre national du livre et de l’Adelc (Association pour le développement de la librairie de création). Le Département et Initiative Orne ont également mis la main à la poche et proposé une avance remboursable au repreneur.
Montant de la transaction ? « Je ne préfère pas le dévoiler », élude l’investisseur, davantage prolixe à propos des projets : « Je souhaite une très forte politique d’animation. Des séances dédicaces, bien sûr, mais aussi des séries de rencontres avec les auteurs, les éditeurs, des ateliers autour du thème du livre ». Avec toute l’équipe du Passage (les 13 emplois sont conservés) et des prestataires extérieurs, Pierre Lenganey promet des événements « rigolos », « nouveaux », de l’inédit.
La librairie sera réorganisée afin de « mettre en valeur le livre » et l’espace beaux-arts/papeterie (des travaux d’aménagement débuteront prochainement). L’idée est aussi de rendre le lieu plus accessible, plus chaleureux. En permettant, par exemple, au lecteur de s’asseoir : « Entrer dans la librairie doit être une pause dans le temps ». Et à n’importe quel moment de la journée : « J’ai du mal à concevoir qu’une librairie de cœur de ville ne soit pas ouverte entre midi et 14 h ».
Concurrence de la Fnac ?
Investir dans une librairie est-ce un pari fou, à l’heure de l’avènement d’internet et du livre numérique ? « Non, internet n’offre pas le conseil, le choix visuel. Quant au livre numérique, il est complémentaire du livre papier. Il ne faut pas en avoir peur : nous en vendons ici ».
Un écran d’ordinateur ne remplace pas un libraire passionné. Tout comme une chaîne de magasin n’offre pas le même service qu’une librairie indépendante : « L’arrivée de la Fnac à Alençon - lire OH du 17 janvier, ndlr - ne m’inquiète pas, on ne fait pas tout à fait le même métier ».