« La surdité est un handicap qui exclut. Les sourds et malentendants sont privés d’un certain nombre de loisirs car pas adaptés à leur handicap ». Roland Nouveau sait de quoi il parle.
Le sous-titrage insuffisant
Atteint de surdité partielle (« occasionnée par un traitement antibiotique ») depuis sa prime adolescence, le Corbenois de 76 ans voit son handicap s’accroître véritablement depuis six ans. « J’ai commencé à avoir des problèmes de compréhension vers l’âge de 50 ans. Je me suis fait appareiller à 53 ans. Puis j’ai perdu l’audition de l’oreille gauche. Celle de l’oreille droite s’amenuise chaque année », confie Roland Nouveau qui envisage une « délicate opération » au CHU de Caen, début 2017, pour remédier à cette surdité. « On va me poser un implant dans l’oreille gauche », précise-t-il.
En attendant, il se dit « frustré » de ne pas pouvoir profiter pleinement de l’offre culturelle du pays d’Alençon. « Les conférences, ce n’est pas possible car je ne comprends pas ce qui se dit. Les spectacles à Anova, La Luciole ou au théâtre, non plus. Et le cinéma encore moins ! Quand les films sont sous-titrés, ça peut encore convenir mais il faut rester concentré sur le sous-titrage et donc on perd de l’image. La dernière fois que j’y suis allé, j’ai demandé des précisions à mon épouse en sortant ! C’est compliqué ».
Aussi, alors que le futur multiplexe sort de terre à l’entrée ouest d’Alençon, Roland Nouveau interpelle « les gestionnaires de cet ensemble » : « Pourraient-ils l’équiper de systèmes d’écoute permettant aux malentendants cinéphiles d’assister aux projections avec une garantie de compréhension des dialogues sans laquelle ils n’auraient aucun intérêt à se déplacer pour y assister ? »
« Le risque avec ce handicap ? S’isoler »
Selon lui, « la surdité ne fait pas partie des priorités des équipementiers alors même que les technologies existantes dans ce domaine, ne cessent de se développer. En effet, les salles de cinéma, de théâtre, de concert, devraient pouvoir se doter d’un système sans fil offrant aux malentendants, munis d’écouteurs (remis à l’entrée contre une caution), de suivre et comprendre les spectacles proposés pour leur plus grand plaisir ! »
Chez lui, face à sa télé, il s’équipe d’écouteurs « mais la compréhension reste parfois difficile ». A fortiori « quand le sous-titrage n’est pas simultané ! J’ai regardé le débat de la primaire entre Alain Juppé et François Fillon, hier soir [jeudi 24 novembre] mais il y avait un décalage de 8 à 10 secondes du sous-titre par rapport à l’image ! J’ai renoncé. Le risque, justement avec ce handicap, c’est de ne plus communiquer, de s’isoler ».
Le retraité de l’éducation spécialisé regrette qu’au XXIe siècle, « les malentendants et les sourds soient toujours relégués dans leur monde de silence et ne suscitent pas beaucoup d’intérêt de la part des pouvoirs publics et des acteurs de l’économie à tous niveaux ».
Avant de conclure : « Nous représentons pourtant un électorat non négligeable et méritons d’être traités comme des citoyens à part entière, malgré et eu égard à l’invisibilité de notre handicap qui nous désocialise dans notre vie quotidienne ».
« Il sera accessible à tous les handicaps »
Alerté sur cette question d’accessibilité aux malentendants, Sébastien Le Goffe, l’actuel propriétaire des 4 Normandy en centre-ville d’Alençon et futur co-gestionnaire du multiplexe (avec Cinéville), note que le cinéma « Planète Ciné » sera « accessible à tous et à tous les handicaps ». Les sept salles « seront dotées d’un système d’autodescription pour les malvoyants et d’une boucle magnétique reliée à leur système d’écoute pour les malentendants. Sans compter les séances sous-titrées ».
Avec un calendrier respecté dans les moindres détails, Sébastien Le Goffe et son associé prendront possession des clés de l’équipement à la fin de cette année 2016. Lorsque le bâtiment sera achevé. « On aménagera tout l’intérieur. L’électricité et la climatisation étant deux gros postes, cinq à six mois seront nécessaires pour cela ». Le multiplexe pourrait donc ouvrir à la fin du premier semestre.
Il sera ouvert tous les jours.
À la différence de l’actuel cinéma, le nouveau proposera « des séances tous les après-midis ainsi que le dimanche matin ». Le tarif augmentera-t-il ? « Un peu c’est possible car c’est un équipement de 7,5 M€. Mais ils resteront raisonnables et ne seront pas ceux pratiqués dans des grandes villes comme Caen ou Rouen ». Va-t-il recruter du personnel ? « Forcément puisqu’il y aura plus de séances mais nous ne nous sommes pas encore penchés sur le fonctionnement du cinéma qui sera classé « art et essai ». Pour le moment, nous n’en sommes encore qu’aux appels d’offres pour l’équipement intérieur », signale Sébastien le Goffe.
