La pièce de théâtre « Prière de ne pas diffamer » proposée par la médiathèque, vendredi 4 novembre, n’a pas attiré beaucoup de monde, et au risque de nous répéter, les absents ont encore eu tort. Les Fresnois auraient pourtant pu se sentir concernés par la vie d’Hélène Bessette qui a passé une partie de son enfance en pension à Fresnay.
Mais qui était Hélène Bessette ? Entre 1953 et 1973, elle publie 13 romans et une pièce de théâtre chez Gallimard. Bousculant grammaire et syntaxe, elle invente une langue inédite et initie ce qu’elle appelle le Roman poétique. De grandes figures du monde littéraire et culturel, Raymond Queneau, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, André Malraux, entre autres, saluent la modernité et la singularité de l’œuvre et reconnaissent en elle un écrivain d’exception.
Rebelle oubliée
Hélas, un temps promise à la célébrité, prix Cazes en 1953 et deux fois sur les listes du Goncourt et du Médicis, Hélène Bessette ne connaîtra jamais le succès public. Rebelle au milieu littéraire et dotée d’un solide caractère, elle affronte sa vie durant, l’anonymat et la misère… Après 1973, Gallimard lassé par son insuccès, refuse ses manuscrits, et pour survivre elle devient serveuse et fait des ménages, et meurt au Mans en 2000, oubliée de la littérature.
Atteinte aux bonnes mœurs
C’est un raccourci de sa vie, sur des textes de Régis Hebette, présent à Fresnay, et Gilles Auffray, que Laure Wolf a interprété vendredi soir, campant une Hélène Bessette telle que l’on peut se l’imaginer au travers de cette biographie, tant l’actrice s’est imprégnée de son personnage, qu’elle ne connaissait pas mais qui l’avait émue par ses écrits…
Un moment institutrice avec un premier poste à Tourouvre, « Vous connaissez Tourouvre ? », sa mère l’ayant inscrite à l’ENI (École Normale d’Instituteurs) alors qu’elle voulait faire l’ENS (École Normale Supérieure), elle parle de son enfance en pension à Fresnay-sur-Sarthe, « Vous connaissez Fresnay-sur-Sarthe ? », la pièce relate un parcours chaotique, la naissance de ses fils, son procès pour diffamation et atteinte aux bonnes mœurs, au moment où elle est sur le point de rencontrer le succès.
Dans sa plaidoirie, l’avocat de la partie adverse, un certain Roland Dumas, déclare : « Elle a eu des voix aux Goncourt et on ne sait pas comment… », ses combats contre Gallimard…
À la fin de sa vie, sur la porte de son petit appartement du Mans, était écrit sur un carton : « Prière de ne pas diffamer Hélène Bessette de chez Gallimard » d’où le titre de la pièce !
Un fils présent
Après 50 mn, l’actrice s’en va sur un monologue qu’elle poursuit hors de la vue du maigre public… Un public parmi lequel se trouvait Patrick Brabant, un des fils d’Hélène Bessette, et qui, au fil des questions, livre son vécu auprès d’elle .
« Elle n’était pas particulièrement joyeuse, elle était en colère contre tout le monde… Elle avait beaucoup d’humour, mais sa vie ne la poussait pas à être joyeuse ! Elle avait un mauvais caractère… Elle a beaucoup voyagé, Chartres, Marseille, Sydney où elle travailla dans une usine de savon. Elle a été beaucoup influencée par la littérature américaine, lisait en anglais… Je connais beaucoup mieux ma mère depuis qu’elle est décédée, grâce à ses écrits ! Je suis sidéré de voir à quel point elle avait une vision juste des choses… ».
Reconnue
Une dizaine de valises remplies de ses écrits ont été retrouvées, et Julien Doussinault, qui vit à Paris, a consacré à Hélène Bessette un mémoire universitaire, et publié une biographie d’Hélène Bessette aux Éditions Léo Scheer. Actuellement, l’éditeur réédite certains de ses livres afin de la sortir de l’oubli… Elle qui disait à ses fils qu’elle serait reconnue trente ou cinquante ans après sa mort, grâce au travail de Julien Doussinault, grâce à cette pièce et à son interprète, on descendra peut-être à 16…
En 2018, un colloque lui sera consacré à Cerisy, haut lieu de la consécration littéraire.
Une dernière représentation de cette pièce sera donnée le jeudi 17 novembre à 18 h à la médiathèque du Mans.