Christian de la Hubaudière est un ancien instituteur au pays d’Argentan, retraité habitant Falaise, qui a écrit des livres sur ses ancêtres faïenciers. À ce titre, il s’est intéressé à la faïence de Quimper et de Rouen, puis à celle de Saint-Denis-sur-Sarthon. Il est devenu le « Monsieur Faïence de la France de l’ouest ». Entretien.
Un mot sur la faïence de Saint-Denis ?
« Un peu rustique, avec un peintre qui faisait ce qu’il pouvait. Mais elle est assez rare, donc recherchée ».
Où peut-on la voir ?
« Plusieurs musées en possèdent, dans leur réserve : Alençon, Sèvres, Sées, Seul le musée de la reine Bérengère au Mans en expose : six pièces ».
Mais pourquoi évoquer les nourrices de Saint-Denis ?
« En travaillant sur les ouvriers, j’ai consulté les registres d’état civil et vu que 80 petits Parisiens étaient décédés à Saint-Denis. J’ai alors remonté le fil ».
C’est un récit ou un roman ?
« Les personnages sont réels. Tout ce qui est dit est vrai. J’ai mis en scène ».
Qui étaient ces enfants mis en nourrice ?
« 75 % légitimes, 25 % abandonnés ».
Pourquoi les mamans n’allaitaient-elles pas ?
« Cela ne se faisait pas depuis mille ans ! Paris est insalubre. Tout y est plus cher qu’en province, même l’inhumation. Allaiter, c’était se couper du monde. Et puis il y a des modes que la raison n’explique pas ».
De quoi mourraient ces enfants ?
« Souvent, ils meurent avant l’âge de 15 jours. On peut incriminer le voyage. Et puis il y a la variole, la déshydratation… ».
Nourrice à Saint-Denis, c’était bien payé ?
« Oui. Les femmes qui font ce métier sont pauvres et elles gagnent autant, voire davantage, que leur mari journalier.
Elles s’émancipent, voyagent, vont à Paris où convergent 14 000 nourrices venues de 250 km à la ronde, faire leur « marché ».
Paris les émerveille ?
« Elles rapportent des modes, notamment des prénoms, et même un second voire troisième prénom. Et puis, sans le savoir, elles préparent la Révolution ».
À Saint-Denis, exerce l’abbé Coulombet (1726-1804) né et mort à Alençon…
« Un visionnaire qui a refusé de grands postes. Il a préféré rester dans son village où il a créé une école de filles, puis de garçons, un atelier de dentelle… Il est aussi le père des comices agricoles. Il a également créé un conseil municipal avant la Révolution, constitué de nobles, d’industriels et de membres du clergé. Mais lui restait en retrait ».
Qu’est-il devenu à la Révolution ?
« Il a été protégé. Et le curé intrus nommé pour le remplacer a été… guillotiné ».
Il a souvent été en conflit avec l’abbaye Saint-Martin de Sées…
« Les religieux de cette abbaye étaient trop gourmands au niveau de la dîme. Ils outrepassaient leurs droits écrits. Il a négocié… ».
JMF
« Au sein de Paris », éditions Lilou, 19 €.
Christian de la Hubaudière rencontrera le public le samedi 12 novembre à 17 h au CRIL à Saint-Denis-sur-Sarthon. Gratuit.
