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Julien Fouchet : « On ne sort jamais indemne d’un reportage de guerre »

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Julien Fouchet a été lauréat du Prix Albert Londres en 2014
Julien Fouchet a été lauréat du Prix Albert Londres en 2014

Prix Albert Londres 2014 pour « Pakistan-Afghanistan : la guerre de la polio » diffusé par Envoyé Spécial (France 2), Julien Fouchet, 41 ans, est nominé au Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre 2016 pour son reportage de 26 minutes « Le Banksy du Yémen » consacré à un grapheur de Sanaa qui « dénonce les atrocités de la guerre civile via le street art ». Basé à l’étranger depuis sept ans (dont ces deux dernières en Jordanie), ce grand reporter est de retour en France depuis ce mois de septembre où il vient d’être recruté par TF1 pour l’émission « 7 à 8 ».

Extraits de l’échange avec les lycéens :

Pourquoi êtes-vous devenu journaliste ?

« Parce que je ne sais rien faire d’autre ! Ça remonte à quand j’étais tout petit. Je voulais parcourir le monde et être dans une situation dans laquelle on ne peut pas être si on n’est pas journaliste ! Par exemple, on est sur un territoire de guerre soit parce qu’on est habitant du territoire, soit parce qu’on est soldat ou soit parce qu’on est journaliste. Et le journaliste montre ce qu’il s’y passe ! C’était comme un fantasme, quelque chose d’inatteignable car j’étais en Droit. En licence, je devais faire un stage, l’été, chez un avocat. Moi, j’ai choisi la rédaction du Parisien ! Mon premier reportage a été une querelle de voisinage : un papy avait sorti son fusil pour menacer sa voisine. Après enquête de voisinage, il s’est avéré que la voisine le harcelait depuis un an. J’ai trouvé intéressant d’aller au-delà du rapport de Police et de chercher la vérité. Je me suis dit que j’allais faire cela : être journaliste donc tout faire pour obtenir la vérité ! »

Julien Fouchet, grand reporter pour TF1, s'est plié à l'interview des élèves de la WebMargot
Julien Fouchet, grand reporter pour TF1, s'est plié à l'interview des élèves de la WebMargot

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent devenir journalistes ? –>

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Est-ce vous qui choisissez les pays dans lesquels vous allez travailler ?

« Je choisis surtout le sujet que je veux traiter ! Et on ne force pas un journaliste à aller en zone de guerre. Il faut qu’il en ait envie. Mes reportages ne sont pas imposés par une rédaction d’autant que, souvent, ces reportages de guerre intéressent peu le grand public. Un sujet sur l’Irak, la Syrie ou le Yémen, c’est moins porteur que le vol subi par Kim Kardashian dans la nuit de dimanche à lundi ! Et ces reportages de guerre coûtent cher et nécessitent un visa donc c’est compliqué à mettre en œuvre ».

Julien Fouchet a fait face aux nombreuses questions des élèves, lundi 3 octobre au lycée Marguerite-de-Navarre
Julien Fouchet a fait face aux nombreuses questions des élèves, lundi 3 octobre au lycée Marguerite-de-Navarre

Y allez-vous seul ?

« Parfois seul, parfois à deux. Mais sur place, on est accompagné d’un « fixeur ». C’est un journaliste local ou quelqu’un qui a un carnet d’adresse. Il nous sert de traducteur et se fait nos yeux et nos oreilles pour assurer notre sécurité. Mais d’autres médias étrangers ont davantage de moyens que la presse française. CNN, par exemple, loue parfois une escorte armée. En Libye, ils avaient même une ambulance dédiée aux journalistes qui les suivait ! Moi, je trouve cela indécent par rapport à la population locale. Je pense qu’il faut être discret, utiliser les transports locaux et des voitures banales. Parce qu’en théorie, les journalistes ne doivent pas être des cibles ».

Avez-vous peur ? Avez-vous été choqué ?

« Dans le moment, on est dans l’adrénaline, on est pris par le sujet qu’on filme et même si c’est cynique, on pense davantage à ce qu’on tourne. Il faut donc toujours avoir le cerveau à 200 %, regarder si ça ne craint pas donc on est moins dans l’empathie. Mais, il m’est arrivé, après un reportage, de me cacher sous une table dès qu’une porte claquait ou de me méfier d’un avion de ligne dans le ciel ! On parle beaucoup, entre nous, de ce qu’on vit sur les territoires en conflit. Certains journalistes ont été traumatisés. Mais, si moi je ne l’ai pas encore été, on ne sort jamais indemne d’un reportage de guerre ».

Lors du vote des lycéens pour le prix Bayeux-Calvados
Lors du vote des lycéens pour le prix Bayeux-Calvados

Avez-vous déjà pensé à arrêter ce métier ? –>

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Êtes-vous bien accueilli dans les pays en guerre ?

« Ça dépend des pays. Au Yémen, oui, parce que personne ne parle de ce conflit donc les gens nous sont favorables. En Afghanistan, par contre, en mai 2016, j’ai été entouré d’une quarantaine de personnes qui voulaient me lyncher à coups de pierre parce que je représentais la communauté internationale ! Celle qui aide avec beaucoup d’argent mais, au final, les habitants n’en voient aucune conséquence : les attentats y sont quotidiens ! »

Portez-vous secours aux gens ?

« Non, s’il y a des secouristes sur place. Ils n’ont pas besoin de mon aide. Mais si on est seul avec quelqu’un de blessé, oui évidemment, on pose la caméra. Il y a quinze jours à Calais, pour un sujet sur la crise des migrants, j’ai vu un Érythréen blessé, tombé d’un camion, qui s’agitait entre deux policiers. En fait, aucun des deux policiers ne parlait anglais. Je suis intervenu pour traduire. Les policiers lui signalaient qu’il allait être soigné à l’hôpital avant d’être ramené avec les siens, sur le camp. Et lui pensait qu’il allait être interpellé ! ».

Un élève l'a remercié de témoigner.
Un élève l'a remercié de témoigner.

Avez-vous déjà été blessé ? Pris en otage ?

« Blessé, non jamais. Mais pris en otage : oui. Un mois et demi en Colombie. J’ai été arrêté à un chek-post par des paramilitaires colombiens. »

Quelle est votre prochaine destination ?

« Je suis en attente d’un visa pour le Pakistan et l’Irak. Je voudrais réaliser un sujet sur « les crimes d’honneur » au Pakistan. L’idée m’est venue à la suite de l’assassinat d’une célèbre blogueuse pakistanaise par son frère : c’est un crime d’honneur. En Afghanistan, je vais suivre des bikers en Harley. L’un d’eux est chirurgien, un autre appartient à la milice. Ce sera l’occasion de traiter du conflit irakien sous un autre angle ».

Que disent vos proches ? Et comment se fait votre retour à la vie normale ?

« Ils ont fini par s’y faire ! Ils s’habituent. On n’en parle pas quand je suis sur le terrain. Ils réagissent après. Le retour à la vie normale est parfois un peu compliqué mais ça se tasse assez vite. Parfois, on fait de drôles de rêves, parfois on a des flashs sur ce qu’on a vécu mais je n’ai pas eu de symptômes post-traumatiques de guerre ».

Si aucune chaîne ne vous a censuré, pratiquez-vous l’auto-censure ?

« Je préfère parler de choix éditorial. Mes sujets ont une durée limitée donc je choisis de faire dire telle chose aux gens. À Calais, par exemple, mon sujet était consacré aux riverains du camp des migrants qui subissent des nuisances avec parfois des tirs de bombes lacrymo qui atteignent leur jardin. J’ai rencontré des riverains qui, après leur témoignage sur leur quotidien, m’ont tenu des propos racistes. J’ai décidé de ne pas les retenir dans mon sujet car c’était hors sujet. »

Julien Fouchet est nominé au prix Bayeux-Calvados des reporters de guerre pour son sujet sur un grapheur qui dénonce la guerre au Yémen à travers son street art
Julien Fouchet est nominé au prix Bayeux-Calvados des reporters de guerre pour son sujet sur un grapheur qui dénonce la guerre au Yémen à travers son street art

Appréhendez-vous vos départs vers l’étranger ?

« Ma peur s’en va dès que l’avion décolle ! À ce moment, je me tourne vers l’avenir et je prépare mon reportage. Mais après avoir vécu sept ans à l’étranger, j’ai, depuis mon retour, une appréhension de la France ! (Rires)»

Vous arrive-t-il de prolonger votre séjour à l’étranger ?

« Cela m’est arrivé quand je n’avais pas le temps de tout finir. Mais le reportage de guerre est un sport de riche ! (Rires) Un jour de tournage à Bagdad, par exemple, coûte 1 000 € donc ça chiffre vite. Et puis, on ne peut pas rester indéfiniment car plus on reste, plus on s’habitue, plus on multiplie les risques. Cela dit, une fois en Algérie, je suis parti une semaine en reportage et suis resté une semaine en vacances ! »


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