Pourquoi la question du changement d’usage des églises se pose ?
Le sujet n’est pas nouveau mais toujours aussi problématique. De nombreuses églises, notamment en milieu rural, ne sont plus utilisées pour le culte. Certaines ont donc été laissées à l’abandon pendant plusieurs années et leur état se dégrade. Les communes concernées n’ont pas les moyens de les entretenir seules surtout si elles ne sont pas utilisées. Des églises ont été menacées, certaines détruites. Les élus, les habitants mais aussi les évêchés recherchent des solutions.
« Autorisation du curé »
Que dit la loi sur la propriété des églises ?
La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État achève le transfert de la propriété des églises vers les communes et des cathédrales vers l’État. Les murs comme le mobilier des églises édifiées avant 1905 sont la propriété des villes et villages mais elles restent affectées au culte.
Une commune peut-elle décider seule de ne plus affecter son église au culte ?
Non, il existe une procédure bien établie. Pour désaffecter une église au culte, la décision doit faire l’objet d’une délibération au conseil municipal. Puis la demande est transmise à l’évêché qui doit donner son accord. La direction régionale des affaires culturelles réalise ensuite une enquête et c’est le préfet qui prend la décision finale.
L’affectation des églises au culte décidée en 1905 fait qu’aucune désaffectation ne peut se faire sans l’autorisation du curé. Les maires et les associations du patrimoine oublient souvent cela.
Combien d’églises ne sont plus dédiées au culte en France et dans l’Orne ?
Il n’y a pas de chiffres fiables sur le nombre d’églises désaffectées en France.
Dans l’Orne, on a recensé 558 églises propriétés communales. Parmi elles, une seule a été officiellement désaffectée, celle des Aspres près de Moulins-la-Marche. Après la fusion de deux communes, Les Aspres comptaient deux églises pour un petit budget. Avec l’accord de l’évêché de Séez et de la préfecture de l’Orne, la municipalité a transformé l’une des deux en mairie et salle des fêtes dans les années 1980.
Mais si la désaffectation a été acceptée, c’est qu’il existait un projet clair : la réhabilitation en mairie et en salle polyvalente.

Existe-t-il des cas où la demande a été refusée ?
Oui. À Vaux-le-Bardoult dans le Nord de l’Orne, ils voulaient transformer l’église en centre culturel, mais elle est implantée dans un milieu très rural. Le projet n’était pas viable selon la préfecture.
La commune de Colonard-Corubert dans le Perche qui compte trois églises [pour 250 habitants]. En 2005, elle a voulu obtenir la désaffectation de l’une d’entre elles, menacée d’effondrement. Le refus de l’évêché a sonné comme une prise de conscience pour obtenir des subventions et effectuer des rénovations.
Faut-il restaurer les églises à tout prix ?
Il faut en débattre, mettre le sujet sur la table car la demande des maires et des habitants est de plus en plus forte. Si une église a un intérêt patrimonial, il est important de la sauver.
« Un attachement viscéral »
Quels sont les blocages ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’Église n’est pas forcément opposée à la désaffectation. Mais une fois que la décision est prise, elle n’a plus de droit de regard, l’édifice passe dans le domaine privé et peut être vendu, d’où les réticences.
Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a un attachement viscéral des habitants à leur église. Et pas uniquement de la part des paroissiens. L’église était la « maison du village », un lieu de vie et même à une certaine époque un lieu de débat démocratique. On y prenait des décisions concernant la vie du village. Parler d’un nouvel usage des églises est un sujet très sensible.
Pourquoi ?
Parce que cela touche à l’histoire d’un territoire. Les habitants ont conscience que des gens se sont donnés du mal pour construire et entretenir ces églises. Même les résidents secondaires, parfois étrangers, se sont emparés du sujet. Certains sont membres des associations de sauvegarde aux côtés des habitants de souche.
Cette question a toujours été compliquée et il y a la question de la responsabilité. Qui va prendre la décision de « transformer » une église ?
Peut-on imaginer des églises vendues à des particuliers ?
Les maires ne pensent pas vraiment à des ventes privées car c’est très impopulaire. Mais cela s’est déjà produit. Dans le Nord de la France, où une église a été transformée en logements sociaux, à Angers où l’une est devenue un restaurant, ou encore à Nantes. Mais quand les habitants ont vu l’édifice servir au culte, c’est très compliqué d’obtenir leur approbation.
Quels usages peut-on imaginer dans les églises ornaises ?
Les maires et les associations semblent surtout se diriger vers un usage culturel. C’est plus compliqué en milieu rural. Mais cela ne peut se décider qu’au cas par cas.
Journée Gérard Burel : programme
Jeudi 16 juin à l’Hôtel du département à Alençon, de 9 h 30 à 17 h 30. Réservations jusqu’au 14 juin.
- « Des églises pour quoi faire ? ». Benoît de Sagazan, rédacteur en chef du Monde de la Bible.
- « Les préalables à la réutilisation : la désaffectation cultuelle et ses conséquences ». Stéphane Créange des monuments historiques et espaces protégés, et Marie Sémery, du ministère de la Culture.
- « Les églises bretonnes, entre usage partagé et reconversion ». Yann Celton, conservateur délégué des antiquités et objets d’art du Finistère.
- « Quelles limites à la reconversion des lieux de culte ? » Bruno Morel, architecte du patrimoine.
- « Églises et enjeux pastoraux ». Mgr Jacques Habert, évêque de Séez.
- « Églises à vendre : un marché en devenir ». Patrice Besse, président du réseau national de vente d’édifices de caractère.
- « Églises désaffectées : la question du mobilier ». Lise Auber, conservatrice des antiquités et objets d’art de Seine-Maritime.
- « De l’ancienne chapelle des jésuites à Nantes à l’Espace Newton ». Jean Baillet, architecte DPLG (sous réserves).