Son métier a connu un sombre coup de projecteur en janvier 2015. Ses confrères de Charlie Hebdo, dont le dessinateur Tignous qu’il connaissait personnellement, étaient lâchement assassinés dans leur salle de rédaction. « Un acte ridicule, absurde dans le but d’attaquer le bien-être ensemble. »
Cet événement, Djony l’a vécu comme un traumatisme. Après la tristesse, la colère a pris le dessus et surtout l’envie de continuer. « Continuer à se moquer. Continuer dans l’impertinence qui emmerde tant les gens qui ont tué pour des dessins. »
Je crois finalement que très peu de dessinateurs ont eu peur de faire leur métier après ces événements.
L’ire comme l’hilarité
” ‘On est des clowns‘ disait Cabu. On n’est pas autre chose”, répète-t-il.
Le rôle d’un caricaturiste c’est avant tout d’être drôle. Le but est de montrer ce qui ne va pas avec humour. Selon l’interprétation de chacun, un dessin peut provoquer l’ire comme l’hilarité. On peut être insulté autant que vénéré.
Avec ses illustrations, Djony ne cherche pas à se faire des ennemis même si les commentaires acerbes à l’encontre de ses dessins sur les réseaux sociaux sont réguliers. Pour lui, faire des caricatures est « un savant mélange » entre l’Art, la sociologie et la psychologie pour « donner une vision de notre société. Mais on n’est pas là pour donner des solutions », rappelle-t-il.
Ses cibles préférées ? Les politiciens « bien sûr » mais aussi toutes les personnes de la vie civile. « Celui qui claque son RSA dans la boisson. Le bobo parisien avec ses petites chaussures qui vont bien. J’aime croquer ce genre de figure sociale qui montre l’évolution de la société. »
À 8 ans, il dessinait sa grand-mère
Il faut dire que le natif de Rouen s’est toujours inspiré des gens qui l’entouraient. Cela a commencé dès l’âge de huit ans avec sa grand-mère. « J’aimais la dessiner et malgré mon jeune âge, c’était déjà ressemblant. » Plus tard, le génie du crayon s’est attaqué à ses camarades d’école. Au fond de la classe, il croquait « les autres élèves, les profs ».
Puis il s’est mis à s’inspirer « de la rue, des troquets » et s’attaque enfin aux personnages publics. Il poursuit ses études commerciales et tente de devenir professeur de marketing avant de se raviser. Il travaille finalement un court moment dans les assurances mais là encore il s’arrête. « Cela ne correspondait pas à mes valeurs. Je ne voulais pas vivre du fait que j’entubais les gens ».
Un livre avec Pierre Rabhi ?
Alors le normand, qui n’a ni sa langue ni son crayon dans sa poche, se lance pleinement dans sa passion. De dessin en dessin, de rencontre en rencontre, il commence à se faire un nom dans le milieu. Le fan de Fluide Glacial voit certains de ses dessins être publier dans la presse : « Marianne, Paris Normandie, Normandie magazine » mais aussi L’Orne Hebdo et Le Réveil Normand.
Il a aussi envoyé des caricatures à Siné Hebdo, le journal satyrique créé par Siné, ancien de Charlie décédé le 5 mai dernier.
Je n’avais jamais eu de réponse de la part de Siné. J’ai finalement reçu une réponse négative. La lettre avait dû être envoyée la veille de sa mort. Ça fait bizarre. Surtout que c’est un homme pour qui j’ai beaucoup de respect.
Le caricaturiste a de nombreux projets. Il sortira bientôt un sixième ouvrage et le tome II des Normands ont de la gueule est attendu en novembre. Avec le collectif de dessinateur Baramines, ils envisagent de créer un livre avec l’essayiste et agriculteur bio Pierre Rabhi. « Ce serait une manière différente d’exposer aux jeunes l’agriculture responsable ».
Père de deux enfants, une fille de 10 ans et un fils de 6 ans, Djony n’hésite pas à leur montrer certains de ses dessins. « Leur réaction est différente. Ma fille est souvent outrée et mon fils se marre à chaque fois. » Ce dernier pourrait même prendre le relais de son papa. « Il a toujours un crayon à la main et dessine tout le temps. Il a déjà repeint la table du salon ». L’impertinence, déjà.
Les Normands ont de la gueule. Tome I, par Djony. 14 €