Cheveux blonds travaillés au gel et sweat noir sur le dos, le collégien qui pousse la porte de son domicile, ce vendredi vers 17 h, a le visage éclairé d’un large sourire.
Cette fin d’après-midi, c’est le taxi-ambulance qui l’a déposé devant chez lui, à Saint-Gervais-du-Perron. Ce qui signifie qu’il rentre du centre de rééducation de Flers. Les jours de cours, c’est le car qui le ramène du collège de Sées, dans le bourg du village.
Car depuis cette rentrée scolaire, Quentin, 11 ans depuis le 4 août, alterne quotidiennement collège et centre de rééducation. Depuis qu’il a perdu son bras droit. Happé dans la casseuse à bois près de laquelle il était ce samedi 21 février, dans un champ de Vingt-Hanaps, au Nord d’Alençon.
« Il apprend très vite ! »
« On coupe du bois de chauffage, pour notre usage personnel », précise Nathalie Husson, la maman de Quentin. « Ce jour-là, comme ça avait déjà été le cas auparavant, il est venu avec moi et un ami pour casser du bois. Parce qu’il en avait envie. Il est très volontaire pour ce genre de travaux, comme tous les gamins qui vivent à la campagne. À un moment, je suis parti chercher une branche un peu plus loin. Et je n’ai rien vu. Quentin a dû trébucher du tracteur et dans sa chute, son bras a été happé par la prise de force du tracteur… » François, le père de Quentin, semble peser, sans le dire, la culpabilité de ne pas avoir pu empêcher l’accident. Car ce 21 février 2015, en s’actionnant, la casseuse à bois a « arraché » le bras droit de Quentin.
Rapidement sur les lieux, les secours ont héliporté le garçon vers le CHU de Caen où il a été placé « en coma artificiel » pendant trois semaines. « Les chirurgiens ont tenté une greffe de son bras mais Quentin a déclenché une forte fièvre malgré des antibiotiques très forts. Ils ont donc décidé de ne pas continuer la greffe. Et quand ils ont retiré le bras, Quentin n’a plus fait de fièvre », détaille son père.
Après deux mois d’hospitalisation, le garçon a rejoint le centre de rééducation « La Clairière » à Flers, « pour apprendre à utiliser sa main gauche car il était droitier mais aussi pour muscler son épaule et son dos ». Cela, à raison de cinq jours par semaine. « On l’emmenait le lundi matin et on retournait le chercher le vendredi soir. Il suivait aussi les cours d’école, là-bas », souligne sa maman. « C’est un bon élève donc ça va ! Et il est très volontaire donc il apprend vite », ajoute son papa.
« Rien ne bouge »
Depuis le mois de juin, les parents ont cessé les transports. « Il est désormais pris en charge par un taxi ambulance », précisent ceux qui s’affichent un peu « perdus » dans la procédure. « En fait, rien ne bouge. À l’exception de l’assurance extra-scolaire qui a pris en charge les frais d’hospitalisation et de télévision dans sa chambre, on n’a toujours rien reçu de nos assurances ! Depuis huit mois, on n’a aucune nouvelle de personne ! Or, ce n’est pas à nos assurances, à nous, de prendre en charge le préjudice de Quentin ! », souffle Nathalie. « Elles attendent un compte-rendu de l’enquête de gendarmerie que j’ai demandé récemment au tribunal », reprend François.
« Certaines personnes nous ont conseillé de porter plainte. Mais contre qui ? Le tracteur appartenait à un voisin, la machine à un autre ». Des voisins, par ailleurs amis, « qui s’en veulent aussi ! Le propriétaire du tracteur ne veut même plus rouler avec ! » Nathalie et François disent « se sentir un peu seuls » dans ces démarches. « On aimerait bien avoir des aides, des conseils, des avantages aussi pour Quentin quand il sera grand. Comment va-t-il faire pour sa voiture ? Pour le moment, on étudie la possibilité d’un bras en silicone seulement articulé au coude et avec une main interchangeable, jusqu’à la fin de sa croissance. Vers 16 ans, nous ont dit les chirurgiens, il pourra envisager un bras myoélectrique qui sera fixé sur ses nerfs. Mais, cela aussi, ça va coûter combien ? »
« Besoin de bons conseils »
Mécanicien agricole dans une entreprise du pays de Sées, François « pose des jours de congés » pour accompagner son fils dans toutes ces démarches. « Parce que la CAF n’accorde l’AJPP (Allocation journalière de présence parentale, ndlr) qu’à une seule personne du couple ». Il a, lui aussi, repris le chemin du travail après un arrêt « mais je ne supporte plus l’environnement des engins agricoles. Dès que j’en vois un, tourner, j’ai peur et je repense à l’accident de Quentin ». Il a entamé quelques démarches pour des formations. « La difficulté, ce n’est pas de changer de travail. C’est le salaire qu’on me propose. Là où je suis, je ne gagne pas trop mal », confie-t-il.
Face à toutes ces questions, ils ont sollicité la presse. « Parce qu’on nous envoie un peu partout et nulle part à la fois ! » Ils cherchent des conseils. « Mais des bons ». Qui les rassureraient sur l’avenir de Quentin. « Pour qu’il soit heureux quand il sera grand », lâche François.

Un AVS à ses côtés
Si les parents de Quentin font état de leurs inquiétudes quant à la prise en charge du handicap de Quentin, ils ne cachent pas que le jeune collégien bénéficie déjà de plusieurs accompagnements. « L’ergothérapeute est venue à la maison » pour accompagner l’adaptation de Quentin à son environnement familial. « Il nous faut changer la baignoire par une douche car sur le plan de l’équilibre, c’est compliqué pour Quentin d’enjamber la baignoire », précise François. «Cela aussi, ça va avoir un coût ! », déclare-t-il.
La MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) de l’Orne leur a prêté un ordinateur pour que Quentin puisse correspondre. « Il était bourré de virus ! On l’a rendu ».
Un AVS (Auxiliaire de vie scolaire) l’accompagne au collège. « Il prend en note les cours quand Quentin n’en a plus la force et lui récupère tous ses cours et devoirs quand il est au centre de rééducation. À la cantine, il l’assiste aussi pour porter son plateau. Mais parfois ce sont aussi ses copains qui le font », déclarent ses parents.
Un bel élan de solidarité
Après l’accident de Quentin, « il y a eu un bel élan de solidarité de la maîtresse et des parents d’élèves », affirment ses parents. « Ils ont organisé une quête et, avec l’argent, ont offert un ordinateur à Quentin. Comme cela, à l’hôpital, et par internet, il voyait ses camarades. Sa maîtresse lui disait où elle en était au niveau du programme scolaire. Il a ainsi pu garder le contact avec ses copains et ça a été très bien pour Quentin », déclarent ses parents qui, pour remercier « ce super-élan de solidarité », ont tenu à être présents à la kermesse de fin d’année. « On leur a remis un mot de remerciement écrit par Quentin ! Ils avaient du mal à y croire, tellement c’était bien écrit avec sa main gauche », annonce un papa pour le moins fier des rapides progrès de son fils.
« Les maths et le vélo »
Depuis son accident, outre le fait qu’il n’a plus de bras droit, Quentin avoue « ne pas se sentir différent » des autres.
Sportif, il regrette cependant de ne plus pouvoir faire tout ce qu’il aimait. « La moto, c’est ce qui me manque le plus », confie-t-il. Mais il continue à taper un peu dans le ballon. Et surtout, il a repris le vélo. « On est allé en acheter un qu’il a choisi et on a fait reporter toutes les commandes de vitesses et de freins sur la poignée gauche », signale François, son papa qui ne désespère pas, un jour, de reprendre les chemins forestiers avec son fils. Comme avant l’accident.
« L’année dernière, il allait à l’école à vélo. Il aurait dû continuer puisque c’est de là que le car prend les collégiens mais, avec le cartable à porter sur le dos, c’est compliqué maintenant au niveau de l’épaule », détaille sa maman. C’est donc son papa qui le conduit désormais.
Outre « les maths », l’autre passion de Quentin, c’est la ferme et ses engins agricoles. « Tout petit, il commandait toujours des tracteurs ! Il en a toute une collection ! A son réveil à l’hôpital, après l’accident, la première chose qu’il a demandé, c’est un livre sur les tracteurs ! Et depuis qu’il a l’ordinateur, il adore jouer à un jeu sur la ferme. Avec des engins, il sème, ensile, récolte ! », s’étonne son père devant la qualité de l’image à l’écran. « On dirait de vrais engins ! »
Cela dit, Quentin ne sait pas encore quel métier il veut exercer. D’autant que, depuis qu’il est entré au collège, il s’est découvert un autre hobby : le chant choral.