« Vous avez pris ma femme sur votre liste. Vous ne savez pas ce qui vous attend ». Voilà ce qu’a dit, en substance, Eric Lenjalley à des candidats aux dernières élections municipales à Sées.
C’était en 2014. Sylvie Lenjalley aurait pu partir sur l’une ou l’autre des deux listes en gestation. Suite à un petit problème de communication, elle s’est retrouvée sur la liste du maire sortant. Si ce dernier l’a emporté de 75 voix, c’est peut-être grâce à cette colistière proche de la population.
Depuis, elle sait faire entendre une musique différente. Lors des réunions de conseil municipal, lorsqu’elle prend la parole, c’est pour aborder des questions pratico-pratiques, autrement dit faire remonter des demandes exprimées par des citoyens qui ne trouvent peut-être pas la meilleure écoute ailleurs. Exemple : un barbecue public dans un lotissement.
Sylvie Lenjalley, c’est un peu le bon sens près de chez vous. Un recours. Une femme de terrain pragmatique comme un chef d’entreprise et qui s’agace des lenteurs dues à la rigidité administrative, à la notabilisation des élus, ou à leur incompétence.
Électron libre
Celle qui ne mâche pas ses mots n’est plus invitée aux réunions de la majorité municipale. Sa faute ? Avoir souligné que la ville avait mal « exploité » l’élection d’une Sagienne au titre de Miss Normandie et donc candidate au titre très médiatique de Miss France. « Il y a la majorité, l’opposition, et moi. Je suis indépendante », confie-t-elle avec amusement, avant d’ajouter : « le monde politique doit penser au peuple comme le patron doit penser aux ouvriers ».
Certains la voyaient tenir deux mois. Deux ans après, elle est toujours là : « lorsque je m’engage, je ne lâche pas. Et il faut respecter le vote des Sagiens ». La population peut donc compter sur elle pour veiller sur la bonne utilisation de l’argent public.
Égalité
Quel regard porte-t-elle sur la femme dans la société d’aujourd’hui ? « Elle est épanouie », confie cette mère qui répète toujours à ses trois enfants : « Levez-vous heureux d’être là ». Et qui précise que la femme doit être l’égale de l’homme. Ni plus ni moins.
Une formule tout en sagesse chez une femme au tempérament de feu alors que son mari incarne plutôt l’eau. Un mari aimé depuis longtemps, au sortir d’une enfance et d’une adolescence douloureuses. « Très jeune, j’ai été retirée de chez mes parents. C’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver »», confie celle qui a été placée en famille d’accueil, dont le parcours scolaire a été « très chaotique » et qui voulait « être un garçon » mais également « devenir cuisinière ». Une ado un poil révolutionnaire, titulaire d’un CAP de cuisine, apprentie exploitée durant sept ans (« une seule semaine de congés »), mais qui garde le positif de cette première tranche de vie : « j’en ai bavé mais c’était le travail ou la mauvaise direction ». Plus généralement, « tout cela laisse des séquelles mais donne la force de ne pas baisser les bras ».
« Vas-y ma fille »
Puis elle a enchaîné divers boulots, a connu la galère, frisé le statut de SDF, a dû redémarrer à zéro, avant de devenir chef d’entreprise en 1997, exerçant un métier particulier : thanatopracteur. Une profession essentiellement exercée en sous-traitance des entreprises de Pompes funèbres, qui nécessite une disponibilité 24 heures sur 24 : « j’ai été treize ans sans prendre une journée de congé ». Un métier épuisant, qui nécessite également beaucoup d’écoute, qui lui a néanmoins valu une belle récompense en 2010 : le Trophée de la femme entrepreneur.
À ses trois enfants (qui travaillent eux aussi dans le monde funéraire), Sylvie Lenjalley a transmis des valeurs : « loyauté et sincérité. Je leur ai donné des cartes, sans les pourrir-gâter. S’ils ont besoin, je suis là ».
Dernière question : que dirait-elle si elle croisait la Sylvie qui avait 18 ans ? « Vas-y, ma fille : roule ! ».
JMF
