Que s’est-il donc réellement passé cette nuit du 4 au 5 septembre 2007 ? Une question que le président de la Cour d’Assises de l’Orne ne cesse de poser, sous toutes ses formes, à l’accusé de 30 ans jugé pour violence sur mineur de moins de 15 ans ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
« On est tous d’accord pour dire que le 4 septembre au soir, Léonie va bien. Le 5 au matin, elle est dans le coma et le 5, dans l’après-midi, elle décède. Entre les deux, il s’est donc passé quelque chose de médical ou de traumatique », insiste le président.
Léonie était le bébé de la compagne de l’accusée. Le couple s’était installé ensemble alors que la maman de Léonie était enceinte. La petite fille n’avait pas été reconnue par son père. L’accusé dit avoir envisagé de le faire « mais ma compagne ne le voulait pas ».
“Elle suffoquait”
Léonie était née en juillet 2007. Le 5 septembre de la même année, peu avant 11 h, le Samu de l’Orne a reçu un appel de la voisine du couple. L’accusé avait accouru chez elle « parce que la petite suffoquait et avait les lèvres bleues ». Pris en charge par le Samu et dirigé vers le centre hospitalier d’Alençon, le bébé a été transféré au Mans où il est décédé dans l’après-midi.
« Les médecins ont d’abord pensé à la mort subite du nourrisson mais une autopsie a révélé une double fracture du crâne confirmée par le médecin légiste ».
Le Parquet du Mans a alors ouvert une information judiciaire. « À l’issue de multiples dysfonctionnements, les experts ont conclu à une mort du bébé par des coups ou une chute », souligne le président.
La maman est décédée
En janvier 2012 considérant que les violences s’étaient produites dans l’Orne, le juge d’instruction du Mans s’est dessaisi de l’affaire au profit du Parquet de l’Orne. Ce n’est donc qu’en 2012 que la mère de l’enfant sera entendue pour la première fois. Elle avait déclaré qu’elle et son compagnon avaient passé la soirée chez sa voisine, à boire, et qu’elle avait confié son bébé à son compagnon qui était rentré chez eux la nuit. Le lendemain matin, il était de retour chez cette voisine avec la petite Léonie dans les bras, « toute blanche et qui avait du mal à respirer ».
Elle avait décrit un compagnon « qui avait tendance à s’énerver mais pas violent ». C’était la première fois qu’elle confiait son bébé à son compagnon, en dehors de sa présence. Pour autant, à l’arrivée du Samu, elle n’avait pas dit que le bébé avait été confié au compagnon.
Elle avait voulu reparler des faits avec lui deux mois après le décès de Léonie mais il l’avait « tapé et avait été condamné pour ces violences ». Son casier judiciaire en fait état. Le couple s’est séparé dans la foulée et la maman de Léonie est décédée en septembre 2014.
“Déclarations à géométrie variable”
L’accusé a, lui, des déclarations que le président de la Cour d’Assises qualifie à «géométrie variable ». « Au départ vous avez dit noir puis après blanc et aujourd’hui vous dites gris », insiste-t-il auprès de l’accusé qui, avant la pause de midi, s’est renfrogné et a refusé de répondre aux questions de la Cour.
« Je suis innocent, je vous le jure », a-t-il d’emblée annoncé ce lundi matin, en ouverture de procès. « Vous êtes accusé et pas témoin donc ce n’est pas la peine de jurer et les accusés peuvent mentir, c’est aussi leur droit », a rétorqué le président en retraçant la chronologie de « cette affaire mal engagée depuis le début ».
“J’avais fait mon deuil”
En formation de jardinier paysagiste, l’accusé est le dernier d’une fratrie de cinq, qui a été élevé par son beau-père après le décès de sa mère quand il avait 6 ans. Son père était, lui, décédé un an après sa naissance. Sa scolarité a été chaotique et s’est arrêtée « à l’âge de 14 ans » en 4e Segpa. Il a enchaîné quelques petits boulots avant de rencontrer la maman de Léonie quand il avait 20 ans. Il ne travaille pas depuis 2005 et vit du RSA. Il ne cache pas une addiction à l’alcool au moment des faits mais s’annonce sevré à ce jour.
Selon lui, le 4 septembre 2007 au soir, il a sonné chez sa voisine « car j’avais oublié mes clés et ma compagne ne répondait pas à l’interphone. Elle avait l’habitude d’aller boire et discuter chez la voisine ». Il aurait récupéré ses clés et aurait quitté la voisine avec sa compagne et le bébé. « On est rentré et on s’est couché. Le lendemain matin, ma compagne n’était plus dans le lit et j’ai vu la petite qui suffoquait. Je suis donc allé chez la voisine pour qu’elle appelle les secours car je n’avais pas de téléphone ». Sa compagne se trouvait chez cette voisine.
Le président lui fait remarquer qu’une ligne de téléphone portable avait pourtant été ouverte à son nom. Et le pousse dans ses retranchements en opposant les différentes déclarations effectuées lors de l’enquête. Il n’a appris la cause réelle du décès du bébé qu’en 2013. « J’avais fait mon deuil. On avait enterré la petite et six ans après, la Police vient me chercher pour me dire que la petite est finalement morte d’une fracture du crâne et que ce serait à cause de moi ! »
“Immature et impulsif”
Les experts psychiatre et psychologue ont décrit l’accusé « comme immature et présentant une déficience intellectuelle ». Ce qui, selon la psychologue, « pourrait expliquer son impulsivité et sa réactivité à fleur de peau ».
« De toute façon, je sais que je vais aller en prison donc ça ne sert à rien », a-t-il déclaré au service de probation qui fait état d’un contrôle judiciaire assez peu respecté. « Donc les faits sont exacts ? », l’interroge le président. « Non mais ce sont les Assises d’Alençon et ça condamne nécessairement. En tous les cas, c’est mon point de vue », a-t-il annoncé.
L’après-midi de ce premier jour de procès est consacré aux témoignages. le verdict est attendu pour demain, mardi.