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Disparu. Pierre Papillaud, un “dernier des Mohicans”

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En 2008, au lycée Alain, dont il fut élève, il évoque exceptionnellement son parcours, avec ses bretelles jaunes dégotées à San Francisco (photo l'Orne hebdo)
En 2008, au lycée Alain à Alençon, dont il fut élève, il évoque exceptionnellement son parcours, avec ses bretelles jaunes dégotées à San Francisco (photo l'Orne hebdo)

« Vendre ? Jamais ! Ce n’est pas une question de montant, c’est une question de principe ». Papillaud est parti sans avoir vendu.

Mieux : il a tenu tête à Nestlé et Danone, géants de l’agroalimentaire, devenant le n° 3 de l’eau en France. « Astérix, c’est ici », disait-il en 2004 à La Ferrière-Bochard, source d’une grande saga économique.

Sans aides publiques

Ne pas vendre pour rester indépendant.

Pour également maintenir ce site historique où l’aventure commence, en 1954, lorsque Lucien Lobjoit se lance (à l’âge de 60 ans) dans la production d’eau de source. Celle-ci cesse de couler en 1978 (le débit était tombé à 7 m3/heure alors qu’il en faut 100 minimum) mais on continue d’embouteiller : sodas, colas, limonade, boisson au thé… Papillaud crée ou maintient des emplois sans un liard d’aides publiques « et sans trop demander qu’on me baise la main ».

Vrai libéral

Un entrepreneur qui cultive la joie de créer, pragmatique, loin des doctrinaires adeptes des mots en « isme ».

Pourfendeur du capitalisme financier, celui des fonds de pension : « regarder le cours de l’action en Bourse, ce n’est pas gérer une entreprise ». Libéral, pas ultra-libéral.

Foudroyé

Victime d’une pancréatite foudroyante en moins de quatre jours, Papillaud est donc parti. « Non, il s’est absenté », nous écrit un lecteur. Quoi qu’il en soit, l’ombre de ce passionné d’aviation continuera de voltiger au-dessus du pays d’Alençon.

On aime ou on déteste. L’homme de paradoxes, au béret et à la paire de bretelles millimétrées jaunes, ne laissait pas indifférent, que ce soit au bistrot du coin, à la pizzeria de la rue Porchaine à Alençon, ou dans son bureau à La Ferrière-Bochard : un recoin aux antipodes du luxe.

« Pas Mantelet »

Incomparé car incomparable, volcan en perpétuelle éruption, il était un « dernier des Mohicans » qui a œuvré pour l’économie, pas seulement locale : s’il n’y avait que des Papillaud, il n’y aurait peut-être pas de chômage en France.

Autodidacte, paternaliste, « Papi » avait vu Moulinex couler : « je ne serai pas le père Mantelet (patron fondateur de Moulinex) de la flotte », disait-il en 1994, sept ans avant le naufrage du fabricant d’électroménager.

Lycaon(s)

Mantelet, diminué, resté à la barre du navire. Avec le résultat que l’on sait. Papillaud, lui, a transmis le flambeau tout en restant présent. Même si en 1994, il confiait : « J’aurai 60 ans l’année prochaine : je prendrai ma retraite ».

Plus de deux décennies plus tard, il était toujours présent avec un regard de gestionnaire mais également de technicien.

Et de chef de bande : « Cette société fonctionne avec des êtres qui font plus que leur travail ». Papillaud comparait son personnel à des lycaons, ces animaux qui chassent en meute.

De cet homme cultivé (il récitait des passages du « Petit Prince » de Saint-Exupéry), capable aussi de sortir, en pleine assemblée générale de la Roxane, des gauloiseries inracontables ici, il y a de quoi faire un livre.

L’idée lui avait été suggérée. Sa réponse : « Je suis pudique, et le jeu n’en vaut pas la chandelle ».

Trop modeste.

JMF

Lecture possible : notre hommage complet dans l’Orne hebdo du mardi 20 juin 2017.


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