« N’acceptez pas n’importe qui. Prudence… C’est peut-être une arnaque ». C’est que les Gîtes de France ont recommandé à Yves Catteau. C’était en 2009.
Les époux Catteau venaient d’ouvrir leur gîte rural à Bourg-le-Roi. Et l’homme fut quelque peu surpris en recevant son premier mail : « c’était écrit en anglais ». Autre surprise : le mail se terminait par «.jpn ». Il fallut se rendre à l’évidence : ça venait du Japon. Et il ne s’agissait pas d’étrangers à la recherche d’une adresse en France.
Parler par gestes
Banco : c’était des touristes bien sous tous rapports. Mais aussitôt des questions se posent : « ce n’est pas la même culture… comment les saluer ? Comment leur dire bonjour ? ». Un challenge pour Yves Catteau : « le japonais est ma sixième langue… ». Une façon de dire qu’il ne comprend pas grand-chose.
Masayo, femme de 47 ans, se souvient des débuts : « on parlait beaucoup par gestes ». Le ressenti d’Yves ? « Ils étaient, et sont toujours, d’une grande gentillesse ».
Une chance : Marie-France Catteau a un neveu marié à une Japonaise, neveu invité à venir de Paris pour jouer les interprètes.
Mais l’obstacle de la langue est franchissable dès lors qu’on se plaît quelque part. Après deux séjours du côté d’Orléans, Masayo et son mari Kabu séjournent deux fois par an à Bourg-le-Roi. Et cela depuis 2009. Deux fois par an et toujours au moment des fêtes de fin d’année, quinze jours durant.
Ils sont donc arrivés la veille de Noël.
Cool, les Français
Mais pourquoi avoir jeté leur dévolu sur ce gîte régisborgien (1) dans un beau coin perdu de France ? « On cherchait une maison avec cuisine, à trois heures maximum de Paris. La Normandie, avec la mer proche, nous intéressait ». Et le séjour au pays de la pluie a plu.
Cette femme ingénieur chimiste travaillant dans le monde pharmaceutique (2) et cet homme de 46 ans secrétaire privé d’une sommité de la Médecine mondialement renommé (3) apprécient « la nature en France et le côté cool des Français ». Les gens d’ici semblent moins stressés que les gens de là-bas, et Alençon est un village à côté de la ville où ils habitent, Tokyo (13 millions d’habitants intra-muros et 31 à 44 millions dans l’agglomération).
Un regret : « la barrière de la langue » même si, selon Yves Catteau « Masayo a fait de gros progrès en français ». Yves Catteau qui « pilote » ses hôtes durant ces quinze jours : « je veille à ce qu’ils ne se fassent pas avoir. Ce n’est pas parce qu’ils sont étrangers qu’ils doivent être arnaqués ». Notamment dans le monde des antiquités dont ces Japonais sont friands.
Baguette et boudin
Et de la française ou de la japonaise, quelle est la meilleure cuisine ? « Je ne peux répondre. Les deux sont bonnes » assure Masayo.
Marie-France et Yves Catteau pourront également donner leur avis : après avoir accueilli à leur domicile le couple japonais au soir du 31 décembre, celui-ci leur concocte, ce mardi 5 janvier, un repas du pays du Soleil-Levant, avec des ingrédients apportés dans leurs valises.
Quels sont les produits locaux particulièrement appréciés ? « La baguette de pain et le boudin noir » achetés à Courteille, sur la place du Point du Jour, là où le couple asiatique commence à être connu, notamment chez le boucher Raynault.
Masayo et Kabu n’excluent pas de quitter le Japon pour la France ou un autre pays, sans vraiment savoir si ce souhait sera exaucé. En attendant, la première chose qu’ils aimeraient rapatrier de France, c’est « le côté cool… Vous êtes sans souci ».
Mais qu’aimeraient-ils exporter du Japon vers la France ? « Le sérieux dans le travail ». Apparemment, il est difficile de travailler avec nous. Le laxisme à la française semble une réalité.
Trop cool d’un côté ? Trop sérieux de l’autre ?
JMF
(1) Régisborgien : de Bourg-le-Roi.
(2) L’entreprise CSL Behring.
(3) Le chirurgien Hiromi Shinya, gastro-entérologue, concepteur de la coloscopie et du traitement endoscopique.
Pourquoi la France. Masayo voyage beaucoup dans le cadre de son travail et elle trouve que « la France est le pays où il fait bon vivre, où les gens sont plaisants et serviables. Ce n’est pas que les Japonais ne sont pas ainsi, mais en plus ici la campagne est belle, il y a un art de vivre qui se rapproche le plus de notre culture. Nous aimons la France et les Français, le style de vie, la douceur de vivre des Français, serviables et attentionnés ».
Kabu voyage également, mais aux USA et notamment à Hawaï. Les Américains étant toujours « excités », il aime venir en France pour « se reposer et se ressourcer ».
Pour eux, les Japonais sont « zen » de par leur culture bouddhiste. Mais « les Français savent se débrouiller dans n’importe quelle situation difficile. Ils ont l’esprit d’improvisation ».
L’anecdote. Il se pourrait que le patron de Masayo, le Français Jean-Marc Morange, soit le petit-fils de Marguerite Morange, qui a travaillé au Bureau d’Aide Sociale de la Ville d’Alençon.
Une hypothèse à vérifier. Toute information sera la bienvenue (mail : orne-hebdo@publihebdos.fr)
Yves et Marie-France Catteau avec Kabu et Masayo, accompagnés (à droite) de Tamiko, docteur en Histoire médiévale, habitante de Saint-Rémy-du-Val, qui a rempli le rôle d’interprète (et que nous remercions).