Alors que cette décoration est quelquefois décernée par copinage (et même parfois à des guignols), cet homme n’a pas volé cette distinction.
Mais qu’a-t-il fait pour l’obtenir ? Eh bien, Rémi Geslain est un discret héros de la Seconde Guerre mondiale, dont la vie a été contée dans l’Orne Hebdo dumardi 5 novembre2013.
Une vie vraiment pas banale : prisonnier en juin 1940, embastillé à Hersfeld où il croise François Mitterrand (inconnu à cette époque), il tente l’évasion à deux reprises. Raté : il est dirigé vers Rawa-Ruska, camp de représailles en Ukraine.
En août 1942, celui qui a alors un quart de siècle s’échappe via un tunnel creusé par les prisonniers. 92 d’entre eux se font la malle.
Gelainski
Rémi Geslain marche neuf jours, arrive sur les bords de la Vistule, fleuve polonais qu’il traverse à la nage, embarque sur un bateau, est contrôlé : il dit s’appeler Gelainski. Il poursuit en train. Nouveau contrôle en vue. Il descend d’un wagon, puis remonte dans un autre, dans le dos des nazis. Ce n’est pas du Bourvil ou du Charlot : c’est du vécu.
Et encore un contrôle. Rémi Geslain se réfugie dans les toilettes. Un nazi tambourine. Un cœur palpite. Geslain jette livret militaire et plaque dans les toilettes. Puis sort au bout d’une demi-heure.
Funeste aveu
Trois semaines après l’évasion, le voici à Paris transformé en Georges Bataille partant en Touraine où il avoue imprudemment être un prisonnier de guerre évadé. Retour à la case prison et dans un train pour l’outre-Rhin. À Nogent-sur-Marne, le convoi ralentit, Geslain baisse la vitre : « le choc sur le ballast fut un peu rude ». La sentinelle nazie n’a rien vu.
Le voilà travaillant au « Comptoir forestier » à Auxerre. Puis le directeur le nomme à Alençon. Une ville qu’il connaît puisqu’il est né en avril 1917 à Valframbert, là où ses parents ont créé le haras de Bois-Beulant. Il deviendra agent immobilier, de 1945 à 1980.
Bientôt 99 ans
Président régional des déportés de Rawa-Ruska, il va avoir 99 ans au printemps.
Et donc (enfin) recevoir la Légion d’Honneur : « je ne l’ai pas demandée, c’est la secrétaire de l’association qui l’a demandée pour moi ». Ainsi sera mis un terme à « une anomalie », pour reprendre ce que l’Orne Hebdo écrivait à l’automne 2013.
L’homme est content même si « j’aurais aimé cette distinction à titre militaire ». Car il la reçoit à titre civil sur le contingent du ministère de l’Intérieur. Pourquoi ? « Je ne sais pas ».
Quand va-t-il être décoré ? « J’ai écrit à Alain Lambert pour qu’il me remette cette Légion d’Honneur ». Quand ? « D’ici quinze jours ? ».
Mais à 98 ans, comment se porte l’audacieux héros de la Seconde Guerre mondiale ? « Doucement mais pas trop mal ».
JMF