Elle s’apprête à tricoter son troisième bonnet. ll y a un mois, Sabrina, 27 ans, n’avait pourtant jamais tenu d’aiguilles. Mais, à l’approche des fêtes, elle a eu envie « d’offrir un cadeau fait maison ». La Carrougienne a appris les bases sur internet. Devant YouTube, elle a achevé son premier couvre-chef. « Le cadeau a plu et a fait des envieux qui ont passé commande », se réjouit-elle. Dans les allées d’Eurocouture, à Condé-sur-Sarthe, elle vient se ravitailler en laine. « J’aimerais faire un pull ». Ce qui lui plaît, dans le tricot ? « Le fait de réaliser quelque chose soi-même, de créer avec mes mains ». Comme elles, de nombreuses jeunes femmes reviennent vers une pratique longtemps délaissée.
« Do it yourself »
Une génération adepte de la philosophie « DIY » (Do it yourself - « Fais-le toi-même »), et lasse des produits standards et copies affadissantes. Depuis trois ans, pelotes de laine, fils et aiguilles sortent du placard, et les créations s’exhibent sur Facebook. On y poste écharpe, chaussette Smartphone, snood ou layette. « L’engouement a été très fort. Depuis, les ventes de pelotes de laine se sont stabilisées à un haut niveau », confirme Nicolas Letellier, patron d’Eurocouture. L’enseigne est implantée à Alençon depuis décembre 2014.
Dans les ex-locaux du magasin GP décors (liquidé en juillet 2014), on trouve désormais mercerie, laine, tissus et linge de maison. C’est le quatrième (l’enseigne Eurocouture est aussi présente à Caen, Yvetot, et Caudebec-lès-Elbeuf) et dernier point de vente créé par Nicolas Letellier : « Il y avait un besoin à Alençon, et l’emplacement est idéal » (situé au 34 rue d’Alençon, à Condé, le commerce borde un axe passant).
Qui consomme ? « Quasiment exclusivement des femmes, passionnées d’activités manuelles et en quête de customisation, personnalisation ». En 2015, le tissu vestimentaire a connu le même succès que le tricot. Là aussi, l’idée est de confectionner une garde-robe « perso ». Un regain d’intérêt qui dope les affaires : « Il y a dix ans, la laine était foutue ! », se souvient Nicolas Letellier. Aujourd’hui, le commerçant ne « se plaint pas » : les quatre magasins ont « trouvé leur clientèle ».
Le positionnement d’Eurocouture ? « Proposer un large choix : un support mural de 20 mètres de long est consacré à la laine ». L’enseigne, qui emploie quatre salariées à Alençon, développera bientôt un nouvel espace dédié à la tringlerie.
Ateliers, café tricot, et tricothon
En centre-ville, l’attrait pour le tricot profite au magasin Phildar, situé rue aux Sieurs. Ici aussi, l’espace « laine » est très fréquenté : « Beaucoup de jeunes mamans se mettent au tricot. Mais il y a aussi une clientèle plus âgée qui revient », indique Sylvie Rocton, vendeuse. Elle-même est accro. Et partage son savoir-faire depuis un an : « Nous organisons régulièrement des ateliers dans le magasin ». Le dernier en date a permis la confection de décorations pour le sapin de Noël.
Souvent, le public est novice. Et les ateliers (gratuits) délivrent « les bases » : « Montage de maille, point mousse, diminutions, augmentations… ». Dans les rayons, fil fantaisie et matières nobles (angora, laine chameau, mohair et soie) sont les stars de l’hiver. « Tricoter au coin du feu, faire des choses soi-même, c’est à la fois s’occuper et être utile », commente Sylvie Rocton. Une fierté, pour certaines : « Des clientes reviennent souvent me montrer leurs réalisations, il y a de très jolies choses ».
L’activité est aussi conviviale. Le « café tricot » permet de tisser pulls et liens d’amitiés. Exemple avec le « tricot papoteuses au troquet », imaginé par le centre social ALCD, dans le café de Saint-Denis-sur-Sarthon. À Alençon, le centre social Croix-Mercier propose du tricot chaque vendredi. Tout comme l’espace échange et convivialité (au centre social Edit-Bonnem et dans le quartier Saint-Léonard, lire ci-dessous). Ces groupes ont participé au « Relais tricot », organisé au printemps 2015 à la médiathèque (dans le cadre de Culture(s) urbaines) : les œuvres collectives avaient permis d’habiller les arbres du parc des promenades.
Utile…
Le festival « Fil et dentelle » a lui aussi succombé à la mode. Un « tricothon » a pour la première fois été organisé en octobre dernier. Le marathon laineux a connu une belle affluence et rendu service : chaussons, brassières et bonnets ont été offerts à la maternité d’Alençon et à l’association Points-cœur.