Si certaines personnes considèrent que la forêt est un musée, il est peut-être préférable de ne pas poursuivre la lecture.
Car le promeneur en Ecouves qui monte ou descend la route Vignage/Croix-Madame peut apercevoir beaucoup de bois en bord de route. D’où une impression de razzia.
Pourtant, « la production de cette forêt est stable », confie Gautier Guérin, le responsable de l’antenne régionale de l’ONF .
Changement
Mais l’Office modifie actuellement sa façon de vendre le bois.
Avant, tout le bois était vendu sur pied, c’est-à-dire debout. L’acheteur coupait et emportait le bois presque aussitôt.
Aujourd’hui, la tendance est à démarcher le scieur et signer avec lui un contrat : telle essence, telle date, « tel volume, tel prix », explique Gilles Dauphin, responsable Bois.
Conséquence : « l’ONF fait appel à une entreprise de travaux forestiers (ETF)». Et il y a davantage de bois au bord des routes. Surtout lorsque l’hiver est doux, comme c’est le cas depuis trois ou quatre ans. Car l’exploitation, c’est entre octobre et avril. Donc, il faut faire fissa.
Aux Emirats
Que trouve-t-on au bord de cette route ?
Des résineux, à commencer par du douglas, l’essence magique. La crème va prendre la direction de l’Est de la France puis du Danemark où les billes vont être « transformées en parquets pour les Emirats Arabes Unis », confie Mickaël Buors, le commercial de l’ONF.
Le reste va être transformé localement pour la charpente, les lames de terrasse, les panneaux de particules qui se retrouveront peut-être dans des meubles Ikea ou Conforama, les lisses en bordure des routes, les palettes, etc.
Magnum et McDo
On trouve également des feuillus.
Comme le hêtre que transforme des entreprises ornaises : Pigeon qui fabrique des manches de pelles que l’on trouve chez Mr Bricolage. Feuillet qui fabrique notamment des cales (pour le bateaux, par exemple). Mahérault qui produit des pieds de sommier. Du hêtre que transforme Euro sticks (Oise) en bâtons de glaces (hum… le Magnum), en touillettes chez McDo… « car le bois de hêtre ne laisse pas de goût ».
Le chêne outre-Manche
Autre essence : le chêne destiné à la charpente, à la traverse paysagère, au parquet, transformé localement (par Lamichêne à Cerisé, par exemple). « 80 % du chêne part en Angleterre », confie G. Dauphin qui précise une régle : « interdiction d’exporter des bois ronds hors d’Europe où ils doivent être transformés ». Ensuite, libre au scieur de vendre au Maghreb ou en Asie comme le fait le normand Lefebvre avec le hêtre.
Autre matière qui patiente en bord de route : du bois empilé à la va-vite, de trois ou quatre mètres de long.
Le bois de chauffage boudé
Actuellement, ces tas se multiplient. Parce qu’ils sont destinés à être broyés afin d’alimenter les chaufferies. Qui en consomme moins. A cause des hivers doux. Et du prix du fioul et du gaz qui étaient encore bas, récemment. Conclusion : la demande s’effondre.
Economie et écologie
En conclusion, avec cette relation plus directe avec le monde industriel, l’ONF vit un changement culturel. Hors de question d’être un tonneau des Danaïdes, surtout quand les prix ne s’envolent pas. « On ne coupe pas pour le plaisir », souligne Gilles Dauphin qui doit répondre aux questions des Idéfix qui se lamentent : « on abat des arbres mais qui voit les jeunes qui poussent ? ». L’arbre à terre ne doit pas cacher la forêt qui se lève.
Si l’ONF entend « valoriser au mieux » la matière en place parfois depuis plus de cent ans, il le fait en prenant en compte des impératifs environnementaux comme la protection de l’engoulevent, de la cigogne noire, des zones tourbeuses, des rives de ruisseaux, etc. Il ne fait plus n’importe quoi.
Si certaines personnes considèrent que la forêt est une mine, il ne fallait peut-être pas lire cet article.
JMF