Les routes forestières font partie du domaine privé de l’État. Et ce dernier peut décider la fermeture.
Pourquoi fermer ce qui est ouvert à la circulation depuis longtemps ? « Parce que la chaussée se détériore et que cela pose un problème de sécurité » explique Gautier Guérin, responsable de l’agence ONF d’Alençon, qui couvre les trois départements ex-bas-normands.
Dans un pays où certains attaquent en justice pour un nid-de-poule, l’argument est à entendre.
215 000 €
Mais il n’y a qu’à entretenir ! Oui mais l’ONF, gestionnaire de la forêt et non propriétaire, n’a ni la mission en la matière ni les moyens. « Pour entretenir 472 km de routes dans les forêts de cette agence, nous disposons de 215 000 € par an, en moyenne, pour le revêtement, les fossés, le busage, etc. ». Ça ne fait pas bésef.
Ce qui explique la volonté de fermer certains axes (ou bouts d’axes) à la circulation.
En forêt de Perseigne.
Et en forêt d’Ecouves. Ce qu’a fait en 2016 l’ONF entre les carrefours de la Croix-Madame et du Grand Pavillon.
L’avis de l’État
Mais l’ONF pose la question de l’entretien d’autres tronçons. G. Guérin a écrit aux maires concernés et posé la question du co-financement : « sans cela, c’est la fermeture ».
Au courrier, il a joint la réponse que le Gouvernement a faite, l’automne 2016, au sénateur Jean-Claude Lenoir : la fermeture est une décision de droit privé qui doit être motivée pour des motifs de sécurité ou environnementaux.
Aller chercher
G. Guérin ne veut pas de conflit : « nous sommes fondés à rationaliser notre gestion ». Et il dit comprendre les élus : « il est normal de défendre le territoire ».
Alors, que faire ? « Aller chercher des financements. Mobilisons nos réseaux ». Pourtant, le Département donne des sous pour la voirie : « pour des tronçons spécifiques, supports de projets de nature touristique ».
Pot commun
Oui mais l’ONF gagne de l’argent ici. Ecouves et la forêt ornaise sont rentables mais « tout remonte dans le pot commun ». L’ONF n’a qu’un budget. Les excédents d’ici paient les déficits d’ailleurs : routes forestières de montagne, dégâts provoqués par les incendies et les parasites, etc.
Des routes vraiment privées ?
Les maires des communes concernées ont créé une association, les monts d’Ecouves.
Maire de Saint-Nicolas-des-Bois, Gérard Lemoine veut « nationaliser le problème puisque nous ne sommes pas les seuls concernés ». Il constate : « on parle tourisme mais on ferme des voies d’accès à la forêt ». L’ONF répond qu’il a une obligation d’accueil mais pas de mission « tourisme ».
Au Tribunal ?
Maire de Tanville, Guy Cousin a été élu président. Pour lui, il faut d’abord lever l’incertitude juridique :
« pas sûr que la route de Boucé et celle de la crête soient réellement forestières. Je suis prêt à engager les hostilités et aller au Tribunal administratif ».
Non forestières, l’ONF n’aurait pas à les entretenir et ne pourrait donc pas les fermer : « notre droit de passage date d’il y a longtemps. Sans voies de communication, on est morts. Déjà que le téléphone portable ne passe pas… », souligne le maire d’une commune cernée par la forêt au sud, à l’ouest et au nord.
Un maire qui sera intraitable sur une route non évoquée : celle qui relie Tanville à Fontenay, via l’Être normand.
Peu fréquentée mais verbalisation possible
Fermées depuis un moment, les routes Aubert (celle du parcours-santé) et de la sente d’Essay (Fosse à la femme/Rendez-vous) ne posent pas de souci.
Fermée en 2016, la route Croix-Madame/Grand Pavillon a fait l’objet d’un vandalisme stupide (découpe des barrières à la tronçonneuse).
Aujourd’hui, tout est plus calme. Même si certains véhicules l’empruntent toujours :
« la verbalisation n’est pas exclue. S’il y a excès, on fera les gendarmes », confie G. Guérin.
Cette route est-elle fréquentée ? Nous avons effectué un test, jeudi 2 mars 2017 entre 17 h 30 et 19 h 30. En deux heures, nous avons vu une seule voiture, qui roulait à vive allure (la peur d’être prise en flagrant délit ?) et un cycliste qui a fait l’aller-retour.
Un test effectué en marchant comme d’autres sont ravis de pouvoir arpenter cet axe, à pied, à vélo, à cheval, en fauteuil roulant, derrière une poussette d’enfant, sans être dérangés par des engins à moteur.
JMF
10 autres km fermés ?
- la route du Salut (sur Radon, 1,5 km)
- la route de Boucé (sur Tanville, 0,69 km)
- la route du Canard (sur Fontenay-les-Louvets, 0,45 km)
- la route de faîte entre le carrefour des Faux-Biches et le carrefour de la Verrerie (6,9 km).
La réfection de ces routes coûterait, selon l’état, entre 25 000 et 75 000 € le km.
Sur Ecouves, l’ONF gère 53 km de routes, dont 43 ouverts à la circulation du public. Si ces tronçons ferment, ce sera 33 km ouverts.