Le 3 janvier 1962, Alfred Locussol, rentré d’Algérie et fraîchement nommé sous-directeur de l’enregistrement à Alençon, est assassiné à son domicile, au 21 avenue Wilson. Un meurtre commandité par l’OAS – Organisation armée secrète – pro Algérie française. Depuis le 6 octobre 2012, une stèle rendant hommage au fonctionnaire alençonnais, partisan d’une Algérie indépendante, a été érigée dans la rue où il a perdu la vie. Mercredi 4 janvier, une quarantaine de personnes s’est recueillie autour du moment, à l’occasion d’une cérémonie hommage.
« Geste militant »
La stèle, « modeste », a pourtant été vandalisée à plusieurs reprises. « Cela témoigne qu’il reste un long chemin à parcourir avant que la guerre d’Algérie soit évoquée dans un climat de mémoires apaisées », souligne Pierre Frénée, coordinateur de la cérémonie. « C’est seulement avec du recul qu’un jugement rationnel s’est formé et que justice a pu être rendue à tous les résistants à travers les âges. Ils étaient des précurseurs ».
Mais, en 2017, venir fleurir la stèle d’Alfred Locussol est « encore un geste militant » :
« L’histoire en train de se faire mettra beaucoup de temps à se dégager du tourbillon des mémoires différentes et souvent contradictoires des acteurs de l’époque et transmises à leurs descendants ».
Pierre Frénée exhorte à tisser un « récit commun à tous », afin que l’Histoire ne soit pas une affaire de « communautarismes qui diviseraient la nation » :
« L’Histoire ne peut être une chasse gardée des fabricants d’un roman national – gaulois dès la préhistoire, chrétiens bien avant Jésus-Christ – porteurs de civilisation armée sur tous les continents ».
Dans le processus de décolonisation, Alfred Locussol était de ceux qui « partagèrent au péril de leur vie les luttes des peuples coloniaux ». Un être « clairvoyant et courageux ». Il a été assassiné par l’OAS « à cause de ses choix en faveur de la justice, du droit, des valeurs humaines ».
Et Jean-François Gavoury – président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) – de mettre en garde en pointant du doigt les communes frontistes qui « héroïsent » les membres de l’OAS, construisent des mausolées à la gloire de l’organisation armée. « C’est de la valorisation de terrorisme ». Ceux qui ont profané la stèle alençonnaise sont aussi, aux yeux du président de l’Anpromevo, « d’authentiques terroristes récidivistes : vandaliser la stèle, c’est réassassiner Alfred Locussol ».