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Quatre ans de prison ferme pour chacun des deux passeurs de migrants

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Le tribunal correctionnel d'Alençon a condamné chacun des deux passeurs de migrants de 26 ans à quatre ans de prison ferme.
Le tribunal correctionnel d'Alençon a condamné chacun des deux passeurs de migrants de 26 ans à quatre ans de prison ferme.

Deux passeurs de migrants, un Iranien et un Irakien, tous deux âgés de 26 ans, ont été condamnés à quatre ans de prison ferme par le tribunal correctionnel d’Alençon, mercredi 14 décembre.

Ils avaient été présentés devant ce même tribunal, le 4 mars 2016, au lendemain de leur interpellation pour être jugés dans le cadre de la comparution immédiate. Or, conformément aux réquisitions du Parquet, le tribunal avait prononcé une ouverture d’information judiciaire « pour poursuivre les investigations ».

Dans la nuit de mercredi 2 à jeudi 3 mars, la Bac (Brigade anti-criminalité) d’Alençon s’était rendue sur l’aire de la Dentelle, « parce qu’elle avait été informée d’un passage de clandestins entre l’autoroute et la route nationale », aux portes d’Alençon. À 1 h 37, alors qu’elle se stationnait sur une place de parking, le gyrophare allumé, une BMW, toute proche, avait subitement quitté les lieux « avec quatre personnes à bord : deux hommes, une femme et un enfant de 2 ans ».

Embourbés

Poursuivie par la Bac, la voiture avait refusé de s’arrêter et avait poursuivi son chemin en direction de Semallé, Chassé, le Buisson, Saint-Paterne pour un retour en Alençon via l’avenue Jean Mantelet où « la police avait déployé une herse ». Malgré les pneus crevés, la voiture avait poursuivi son chemin jusqu’à l’avenue de Basingstoke où en empruntant ce qu’il croyait être une route, mais qui n’était qu’un chemin, le conducteur de la BMW s’était embourbé.

Les deux hommes avaient tenté de prendre la fuite mais avaient finalement été interpellés par la Police. Non sans se rebeller avec une bombe lacrymogène.

Le prévenu iranien, résident de Grande-Bretagne, était en France depuis deux mois. Il était basé « dans la jungle de Dunkerque ». Il n’a pas immédiatement donné son identité et s’est fait passer pour un migrant. « Pourquoi seuls vous et votre co-prévenu avez pris la fuite en courant à la vue des policiers alors que les passagers arrière n’ont pas bougé ? », interroge le procureur de la République. « Les passeurs nous ont dit de courir à la vue des gens même si ce n’était pas des policiers. Les autres, c’était une famille donc ils ne se sont pas enfuis », rétorque le prévenu Irakien avant de lâcher : « J’avais peur de celui qui est derrière cette histoire et qui est très important », a-t-il fait savoir au tribunal, via un interprète. Lors de son interpellation, il était également en possession de couteaux.

L’autre prévenu, un Iranien de 26 ans, demeurait à Blois avant son interpellation. Lui aussi était porteur d’un couteau. Et comme son copain irakien, en possession de téléphones portables. Ils avaient été géolocalisés à plusieurs reprises à Alençon, en février 2016. « Et leurs téléphones faisaient l’objet de trafics intenses entre les deux. Leurs relations sont donc bien antérieures aux faits », précise la présidente du tribunal.

“Le passeport ? Une monnaie d’échange”

Le prévenu irakien convient qu’il était venu une fois à Alençon, « en repérage ». « Je voulais aller en Angleterre mais je n’avais pas les moyens de payer mon trajet. J’ai alors donné un coup de main aux passeurs ». De quoi vivait-il à Dunkerque ? « Dans la jungle, on nous donne tout ce qu’il faut pour manger et s’habiller ».

Pourquoi était-il en possession de trois téléphones ? « L’un est à moi, les autres aux passeurs ». L’enveloppe contenant 620 € et les documents manuscrits faisant état de comptes ? « L’argent est à moi. Les papiers sont à d’autres personnes de la jungle. J’ai dû les ramasser dans la tente à Dunkerque, sans faire attention ».

Le passeport d’un passager arrière retrouvé dans la boîte à gants de la voiture ? « C’est lui qui l’a mis là », note l’Irakien. « Le passeport, c’est une monnaie d’échange. C’est le même principe que la prostitution des femmes étrangères qu’on retient sur le territoire en confisquant leur passeport », relève la présidente.

Le prévenu iranien était le conducteur et le propriétaire de la BMW 330 D. Pourquoi a-t-il refusé d’obtempérer ? « J’ai eu peur de la maison d’arrêt d’où je venais de sortir ». « Votre compagne était à un mois d’accoucher donc vous souhaitiez rester sur le territoire français. Ce qui fait de vous un maillon essentiel dans cette spirale de passeurs », conclut la présidente non sans évoquer « la découverte d’un pistolet automatique chez vous, sur la table du salon, alors que les policiers venaient vous chercher dans le cadre d’un mandat d’amener à la suite du non-respect des obligations liées au bracelet électronique ».

« J’étais en danger car j’ai parlé avec vous », confie le prévenu non sans chercher à comprendre « pourquoi on n’est que deux là, devant vous ? Pourquoi pas les autres ? Je suis quelqu’un de bien. J’ai dit la vérité ».

“Longue instruction qui n’a pas apporté toutes les réponses”

« Ce dossier a fait l’objet d’une longue instruction depuis mars 2016 qui n’a pas apporté toutes les réponses aux questions que l’on se posait », affirme le procureur de la République selon qui les deux prévenus « doivent être traités à égalité, qu’il y ait un chef ou pas parmi l’un d’eux ». Pour ce « duo d’associés » qui encourent dix ans de prison, il requiert à l’encontre de chacun d’eux, quatre ans de prison ferme ainsi que le maintien en détention et l’interdiction définitive du territoire français.

L’avocate de la défense du prévenu irakien insiste sur « l’isolement » de son client en France. « Son seul recours pour trouver de l’argent était de rejoindre le réseau de passeurs ». Elle réclame l’indulgence du tribunal.

L’avocat du prévenu iranien met en exergue les efforts d’insertion de son client, e n détention : « Il apprend le français. Il a une femme qui l’attend et il demande une peine aménageable ».

Le tribunal a finalement condamné chacun des deux passeurs à quatre ans de prison ferme et à l’interdiction de séjourner sur le territoire français. Ils ont été maintenus en détention. Les scellés (voiture et argent) ont été confisqués.

Les deux hommes disposent de dix jours pour faire appel à compter de la date du jugement.


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