Le 14 octobre 1066, du matin jusqu’au soir, à Battle, dans le sud de l’Angleterre, une bataille (que l’on nommera plus tard Bataille d’Hastings du nom de la ville la plus proche), opposant le roi anglo-saxon d’Angleterre, Harold Godwinson, au duc Guillaume de Normandie, faisait rage. Elle s’est soldée par une victoire décisive de Guillaume le Conquérant et de ses hommes.
190 Normands
Depuis l’an 2000, et « tous les 4 à 6 ans », l’association English héritage, « qui gère une grosse partie du patrimoine anglais », organise une reconstitution de cette bataille. La dernière en date avait lieu les 15 et 16 octobre 2016 afin d’en célébrer le 950e anniversaire.

Parmi les combattants bénévoles : 190 Normands rassemblés sous la bannière de la Confrérie Normande, « une association qui en regroupent plusieurs » dont l’Ornaise « Normadr » créée il y a trois ans par le Carrougien Ange Leclerc-Kéroulé et l’Alençonnais Nicolas Brossard. Sur les huit membres de cette petite association, trois se sont rendus à Hastings à la mi-octobre : le trésorier, le président et son épouse Léa Brossard.
« Après le coup de massue, il a volé sur le côté ! »
Pour sa seconde participation à cette reconstitution (après celle de 2012), Nicolas Brossard a endossé le rôle de Hugues de Grandmesnil, « un des compagnons de Guillaume le Conquérant dont on est sûr qu’il était présent à Hastings avec sa femme, Alice de Beaumont ». Cette dernière fut donc incarnée, en 2016, par Léa Brossard, l’épouse de Nicolas ! Hugues de Grandmesnil était un cavalier. Nicolas Brossard a donc joint son cheval Rocky-de-Hotvic au voyage. « On a pris le ferry à Calais et de Douvres à Hastings, j’ai fait le chemin à cheval », sourit l’Alençonnais aujourd’hui pompier professionnel à Caen, passionné de reconstitution médiévale depuis sa rencontre avec Ange « au club d’escalade d’Alençon ».
Le moine Héluin
Ange Leclerc-Kéroulé, dont c’était la troisième participation à la reconstitution (après celles de 2006 et 2012), a pris l’habit ecclésiastique. « Dans la reconstitution, tout le monde veut se battre, même des femmes ! Elles sont d’ailleurs souvent archères. Alors qu’en 1066, elles étaient plutôt chargées de broder et de cuisiner sur le campement. Du coup, mon vieillissement m’a fait quitter les armes. Et j’ai pris l’habit de moine qui attire moins de monde ! »

Dans le Sussex, outre-Manche, ces 15 et 16 octobre, Ange Leclerc était donc Héluin, le moine fondateur de l’abbaye du Bec-Hellouin. « Il a un passé de chevalier donc on l’a mis sur le champ de bataille », sourit Ange Leclerc-Kéroulé dont la mission fut de « bénir les troupes et les morts ». Parfois même d’aider certains combattants agonisants à mourir.
De vraies armes…
« Dès qu’un combattant est touché avec l’arme, il doit tomber ! » Cela dit, les armes sont bien réelles. « Elles sont inspectées avant le combat. Les flèches et les lances sont bluntées : leurs pointes sont protégées par du caoutchouc. Et les épées doivent être arrondies et non tranchantes ».
Les règles du combat sont également très strictes : « On n’a pas le droit à l’estoc (un coup de face), ni de toucher la tête ». À la différence des Saxons « qui avaient une cavalerie pour se déplacer », les Français « avaient, eux, une cavalerie de charge. Du coup, la première ligne, à cheval, chargeait et la seconde, à pied, touchait avec les épées. C’est probablement ce qui a fait la différence entre les deux camps, en 1066, et qui a valu la victoire des combattants de Guillaume », commente Ange Leckerc-Kéroulé.
«L’homme d’église n’a pas le droit de faire couler le sang donc il n’a pas d’épée. Mais sur la tapisserie, l’évêque de Bayeux est représenté avec une massue. J’avais donc une massue pour achever les Anglais qui n’étaient pas tout à fait morts. Je l’ai fait sur un des bénévoles qui rampait dans la boue et qui a volé sur le côté, comme un cascadeur, après le coup de massue ! On s’est bien amusé ! », rit encore Ange Leclerc qui n’a évidemment pas réellement frappé le figurant.

« S’évader à l’autre bout du temps »
De l’avis des Normands, les « 1 066 » combattants (en provenance d’Angleterre, de France, d’Italie, d’Allemagne, de Pologne, de Russie) rassemblés près d’Hastings ce week-end 2016 ont manifestement pris beaucoup de plaisir à cette reconstitution. « On est tous là pour cela ! Pour déconnecter du quotidien et se retrouver entre amis ». Au-delà des jeux de rôle, ces immersions au Moyen-Âge permettent aussi « d’effectuer de nombreuses recherches historiques, de s’informer, d’échanger nos informations, de partager, de s’ouvrir à d’autres cultures », confie Nicolas Brossard. « Et aussi de bricoler car nous confectionnons tout nous-mêmes ! Nous savons tous broder, cuisiner, travailler le bois et le métal », ajoute Ange Leclerc-Kéroulé.
Un village Viking à Hérouville-Saint-Clair
Au sein de « Nordmadr », cette passion rassemble « tous les âges et toutes les classes sociales ». La prochaine reconstitution pour les Ornais est programmée au printemps 2017 à la Haie-Joulain, dans le Maine-et-Loire. « Avant cela, on ira aussi aider l’association Ornavik d’Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, à la construction d’un village viking ».

Une fois de plus, les passionnés vont « remonter le temps pour étoffer leurs connaissances », histoire de « s’évader non pas à l’autre bout du monde mais à l’autre bout du temps ! », rappelle Ange Leclerc-Kéroulé.
De la cuisine d’époque
« L’idée c’est de reconstituer le plus fidèlement possible la bataille. Pour cela, on puise dans les sources historiques dont une tapisserie et quelques écrits », souligne Nicolas Brossard. C’est équipés de leurs armes et de tout le matériel indispensable sur le champ de bataille et sur le campement que les combattants bénévoles ont pris position à Hastings pour les deux reconstitutions du week-end 2016.
Ils ont d’abord dressé le campement « avec des tentes en lin », organisé les tables « avec de la vaisselle d’époque ». La cuisine n’est réalisée qu’avec des mets du XIe siècle. « Donc pas de pommes de terre mais des pois, des panais, des fèves, des courges, des navets, des carottes blanches et beaucoup de fruits ». Certains bénévoles ont poussé le réalisme « en dépeçant des chevreuils et des lapins sur place ! »
Pas d’anachronisme possible non plus en terme de costume. « On est vêtu de lin et de laine sous la cotte de maille. On combat avec le haubert, le haubergeon, le bouclier écu, le casque et les chaussures de cuir », sourient Ange Leclerc-Kéroulé. « Les Anglais sont aussi attentifs aux couleurs qui correspondent aux classes sociales ».
1066 passionnés d'histoire médiévale ont participé à la reconstitution de la bataille d'Hastings, dans le sud de l'Angleterre, les 15 et 16 octobre pour en célébrer son 950 anniversaire. Parmi eux : trois Ornais. (Photo Alexis Stefanopoulos).1066 passionnés d'histoire médiévale ont participé à la reconstitution de la bataille d'Hastings, dans le sud de l'Angleterre, les 15 et 16 octobre pour en célébrer son 950 anniversaire. Parmi eux : trois Ornais. (Photo Alexis Stefanopoulos).hasting.jpghastingange.jpghastings-21.jpghastings-ornais.jpghastings1.jpghastings2.jpghastings3.jpghastings4.jpghastings5.jpghastings6.jpghastings8.jpghastings9.jpghastings10.jpghastings11.jpghastings12.jpghastings13.jpghastings14o.jpghastings15.jpghastings17o.jpghastings18.jpghastings19o.jpghastings20.jpghastings21.jpghastings22.jpghastings23.jpghastings24.jpghastings25.jpghastings26.jpghastings28.jpg