Du temps des Romains, cette vallée se peupla de métairies et villas ou maisons de maîtres qui servaient principalement de retraite aux magistrats fatigués du bruit des « municipes » et des agitations du forum. C’est sans doute à l’une de ces villas que La Poôté doit son origine. N’oublions pas qu’il existe un lieu-dit « Le Pré de la ville » où il existait des nids d’oiseaux en abondance.
Parmi les appellations anciennes, on trouve « Potestas de nidis », Posté (jusqu’en 1799) puis Poôté (d’un mot signifiant seigneurie).
Anciens étangs
Vaste de 3 626 hectares, la commune comptait 2 822 habitants en 1896 : 1332 hommes, 1490 femmes, et zéro divorcé.
Alençon n’est pas loin : « le commerce se fait beaucoup plus avec cette ville qu’avec celles du département lui-même. »
Sont évoqués des sites toujours visibles : château fort à Montaigu (à 240 mètres d’altitude) construit par le baron de Giroie et détruit en 1046.
La Sarthe faisait mouvoir le moulin de Trotté, le Sarthon le moulin de Grouge.
Descendu de Multonne, le ruisseau du Buisson de Malheur alimente l’Ornette.
Il y avait autrefois plusieurs étangs, aujourd’hui desséchés en partie.
Climat sain et âpre
Le climat ? Sain mais la température était « généralement froide, âpre même ». Le printemps ? « Tardif et de courte durée ». La neige, « ordinairement peu abondante ».
La Pierre druidique près du moulin de Pétard est évoquée : 3,90 m de long, 2,20 m de large, 1,3 m d’épaisseur. Elle est baptisée « le menhir de la Poôté ».
Les closeries sont parfois isolées : « dans ce cas, le cultivateur père de famille y vit loin des rapports étrangers, entouré seulement de sa femme et de ses enfants ».
La multiplicité des routes et chemins favorise le progrès de l’agriculture.
Le comice a lieu alternativement à Saint-Pierre des Nids et Pré-en-Pail.
Ça sent le fromage
Les fermes sont « en général bien entretenues parce que, n’étant pas d’une étendue considérable, le cultivateur peut surveiller activement chaque pièce de terre et lui donner tous les soins ».
Chaque année, une centaine de cultivateurs émigre en Île de France faire la moisson : « quelques femmes les accompagnent et s’occupent surtout de la cueillette des fraises et des haricots ».
Les céréales cultivées ? Blé, seigle, méteil, orge, avoine, sarrasin, maïs. Les plantes sarclées ? Pomme de terre, carotte, navet, betterave, chou.
Le chanvre est moins cultivé car moins rémunérateur.
Un hectare de pré produit en moyenne 30 quintaux métriques de fourrage.
Un fromage local : le belos (ou belot ?), à « odeur caractéristique qui annonce plus ou moins agréablement sa présence. »
Loup… y est
Les animaux sauvages ? « Le loup et le renard qui habitent principalement les collines boisées des bords de la Sarthe. »
Le gibier est « abondant et excellent. Le nombre de chasseurs, et de braconniers surtout, tend à augmenter de jour en jour. »
Les soins apportés aux ruches sont « presque nuls. On fait toujours mourir les abeilles pour avoir le miel et la cire. »
En janvier 1899, on dénombrait sur la commune 700 chevaux, 4 ânes, 200 bœufs, 1 600 vaches, 300 porcs, 1 000 moutons, 4 chèvres, 80 ruches, 6 500 volailles. la commune pourrait « presque se suffire à elle-même ».
Les habitants sont presque tous cultivateurs. Il existe quelques moulins à farine, on façonne des sabots de bois, un peu de dentelle au point d’Alençon, une carrière de granit est exploitée à l’étang du Tour, il existe un marché le mercredi, et quatre facteurs pour La Poôté, Gesvres, Boulay et Champfrémont.
École délaissée ?
À l’hôtel de la Corne, sur la place, deux hommes de la suite d’Henri IV auraient fait escale.
L’auteur signale le château de Bochard, et l’église édifiée en 1880. La commune compte deux écoles publiques : pour garçons et filles.
Deux ou trois décennies plus tôt, les filles étaient « instruites par les soins du curé et par une brave femme, mère d’une famille nombreuse, qui n’avait aucun titre que son dévouement ».
L’école publique où « le mobilier scolaire, déjà vieux, laisse à désirer », a été construite en 1870. Le conseil municipal ne semble pas y accorder beaucoup de crédits, « ne fait rien pour encourager la fréquentation ». Et « les parents ne comprennent pas les bienfaits de l’instruction ».
Il y avait une perception et une étude de notaire « assez florissante ».
La société de sapeurs-pompiers a été dissoute.
Durée de vie : 48 ans
Est également évoquée une gendarmerie disparue.
La commune abrite deux médecins, un pharmacien « depuis deux ans », et un vétérinaire vient de s’établir.
En 1898, on a enregistré 55 naissances, 48 décès, 15 mariages.
La durée moyenne de vie est de 48 ans. Une longévité supérieure à la moyenne française due « à l’altitude élevée du sol, à la pureté de l’air des collines, au travail en plein champ et à la sobriété des habitants qui ne font guère d’excès que sur le cidre ».
Les habitants ont « une vie simple, uniforme et assez substantielle ».
L’instruction est « assez développée bien que la fréquentation scolaire laisse un peu à désirer, surtout pendant la belle saison ».
Il y a « assez peu d’illettrés ici parmi les jeunes gars mais ils sont encore assez nombreux parmi les vieillards ».
Chaque année, une moyenne de 30 enfants quitte l’école dont 20 à 24 avec leur certificat d’études primaires.
Histoire
Pail vient de « pagus » qui servait à désigner les cabanes élevées sur la lisière du bois.
L’auteur évoque un « puits des Sarrazins » à Saint-Léonard-des-Bois.
Côté religion, La Poôté reçut tardivement « les bienfaits de la religion chrétienne ».
La forteresse de Montaigu dominait de 100 m la Sarthe et l’Ornette. Les Giroie durent prendre parti pour les ducs de Normandie ou les comtes du Maine. « Des ouvrages défendaient la forteresse du côté opposé à ces deux rivières ».
Un château démoli en 1040. « L’histoire de La Poôté est souvent liée à celle de Saint-Céneri. Voisiner un château féodal n’est pas une sinécure ».
La Révolution de 1789 « paraît avoir été accueillie avec ardeur ». L’auteur relaie « enthousiasme et gaieté de bon aloi ».
Terreur
Sans occulter quelque « tension avec le curé ». Les Chouans ont tué le maire (Deshayes) et deux enfants.
En 1790, La Poôté était chef-lieu de canton.
Durant la Terreur, « il valait mieux traverser la forêt de Pail la nuit que le chœur de l’église de Saint-Cyr pendant la messe : les principaux Chouans y avaient une place d’honneur et y venaient marmotter leurs prières, le fusil posé sur les genoux ».
En 1871, les Prussiens sont à La Poôté. Des habitants de Gesvres firent prisonniers des Prussiens transportant des « des dépouilles provenant des réquisitions et des vols ».
En 1891, une foire aux chevaux a été lancée.
Cidre à gogo
L’alimentation est à base de viande et bon cidre : « on use même très largement de cette boisson » dont le cru est « renommé ».
Côté langage, on parle le français « mais Dieu ! Quel français ».
« Viens boire un coup et manger une croûte » se dit « Vian bere un cau et mange eune craute ».
Les habitants sont « soupçonneux et avares. Ils se croient toujours trompés. Cependant, ils sont hospitaliers et aiment à recevoir ».
Au rayon vêtements, « le luxe est inconnu ».
Les habitations ? « En général mal construites et malsaines. Bien peu sont pavées ».
Mais comme on vit dans les champs, la constitution est « robuste ».
Fait le 27 août 1899 par l’instituteur titulaire (J. Dreux).
